La fin éventuelle de l’impunité chez Activision-Blizzard

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Le rachat du groupe derrière Call of Duty ou encore la licence Warcraft par Microsoft a fait couler beaucoup d’encre. Notamment dans le contexte actuel d'Activision-Blizzard, entre chute des licences Blizzard et management toxique profondément ancré dans l'esprit d'entreprise.

Rappel des faits

Cela va faire 6 mois que le groupe Activision-Blizzard fait plus parler de lui pour ses problèmes de gestion interne et sa culture d’entreprise toxique que pour le succès de ses jeux. Tout démarre durant le mois de juillet 2021.

Période durant laquelle l’État de Californie attaque le groupe en justice pour la culture sexiste établie par la hiérarchie de l’entreprise. Conduisant à des épisodes répétés et incessants de harcèlement sexuel auprès des employées de la société.

Sont également mis en cause des écarts de salaire ainsi que des contrats de travail abusifs. S’ensuit une traversée du désert pour l’entreprise qui voit les démissions s’enchainer ainsi que le départ de nombreux sponsors autour des évènements esport.

L’intervention de la justice américaine contribue à la libération de la parole au sein du personnel et les employés multiplient les actions à l’encontre de la direction. Lettres ouvertes, grèves, manifestations devant les locaux…

Suite à l’enquête judiciaire, les médias se sont également penchés sur le cas Activision-Blizzard. Notamment le Wall Street Journal qui a mené une enquête sur Bobby Kotick, le PDG. Montrant que la couverture du harcèlement remontait jusqu’aux plus hautes sphères de la hiérarchie.

Robert "Bobby" Kotick, PDG d'Activision-Blizzard ©Thomas Hawk VisualHunt Robert "Bobby" Kotick, PDG d'Activision-Blizzard ©Thomas Hawk VisualHunt

Enfin, suite à ces démêlés avec la justice, les actionnaires ont également porté plainte. Mettant en cause la direction de l’entreprise pour avoir menti sur la santé de l’entreprise et son fonctionnement interne.

En parallèle de la tourmente judiciaire, une perte de vitesse notable sur l’ensemble des jeux de la branche Blizzard vient affaiblir encore un peu plus le groupe. L’action perd 40% de sa valeur en 6 mois.

Le sauveur d'Activision-Blizzard

C’est dans ce contexte critique que Microsoft annonce le rachat d'Activision-Blizzard et King pour la somme de 68,7 milliards de dollars, le 19 janvier dernier. Une fois l’effet d’annonce passé, des questions s’élèvent naturellement concernant les thématiques du management et de la direction de l’entreprise.

Lors de l’annonce, il a été spécifié que le processus d’intégration d’un groupe dans l’autre sera long. De ce fait, les équipes directives d'Activision-Blizzard, Bobby Kotick compris, demeureront à la tête de la société jusqu’à la fin de la phase de transition prévue pour 2023.

Cependant, Phil Spencer, dirigeant de Xbox Game Studios et futur successeur de Bobby Kotick, a tenu à préciser qu’il avait pour objectif d’intégrer Activision-Blizzard dans une nouvelle culture d’entreprise. Basée sur l’inclusivité dans le jeu vidéo, aussi bien en jeu que dans le travail.

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Il a également déclaré au Washington Post, s’être entretenu avec les équipes de la société californienne sur les solutions à apporter aux problèmes internes. Précisant qu’il était optimiste sur les progrès réalisés et leurs objectifs en la matière.

Historique contrasté pour Microsoft

La position de faiblesse d'Activision-Blizzard permet, en quelque sorte, à Microsoft de se poser en arbitre des politiques internes de sa nouvelle acquisition. Mais il ne faut pas en oublier que le géant derrière Xbox n’est pas exempt de critiques dans ce domaine.

En 2018, une procédure judiciaire a été ouverte portant sur 238 cas de harcèlement et de discrimination au sein de l’entreprise. En 2019, une rencontre entre une centaine d’employés et la direction de la société a eu lieu. Mettant en lumière d’autres cas similaires, notamment au sein de Xbox Game Studios.

Toutefois, le PDG de Microsoft Satya Nadella ainsi que la directrice des ressources humaines, Kathleen Hogan, avaient à l’époque pris position pour signifier que cette situation serait prise en charge avec le plus grand sérieux. Une réponse qui diffère grandement des premières réactions d'Activision-Blizzard lors des débuts de l’affaire judiciaire.

Satya Nadella, PDG de Microsoft Corporation ©World Economic Forum VisualHunt Satya Nadella, PDG de Microsoft Corporation ©World Economic Forum VisualHunt

De plus, des mesures concrètes ont déjà été prises, notamment en ce qui concerne les outils à disposition des victimes de harcèlement. Microsoft avait modifié en 2017 ses contrats de travail, en supprimant la clause qui empêchait les salariés de porter plainte en cas de harcèlement.

Enfin, à la suite du rachat, un cabinet d’avocats a été engagé par la société afin de réaliser un audit interne, centré sur l’environnement de travail et les problématiques de harcèlement sexuel au sein des équipes.

Un rachat qui pourrait faire remonter la pente

Nous n'en sommes qu'aux balbutiements des grandes révélations sur les scandales sexuels dans les entreprises et les institutions. On se souvient de l'affaire qui avait ébranlé Ubisoft en 2020, l’industrie du jeu vidéo n'est pas l’exception miracle.

Si ni Activision-Blizzard ni Microsoft ne sont des modèles en la matière, on peut gager que ce rachat emblématique est de bon augure. Si Microsoft étend sa politique de remise en question à ses nouvelles acquisitions, on est en droit d'être optimiste pour la suite. Demain, peut-être, Activision-Blizzard pourra se concentrer sereinement sur con cœur de métier : faire des jeux.