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Death: The Game - Quand un squelette moustachu tente de crever l'écran

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Un jeune studio indépendant lyonnais (cocorico) a récemment présenté son tout premier projet. Nous parlons donc aujourd'hui de Death: The Game, un jeu d’exploration mettant l’emphase sur la narration et dont le protagoniste sait qu’il est dans un jeu vidéo. Ce premier bébé de Nagflar est donc présenté à travers une vidéo où gameplay, concepts et références du jeu nous sont suffisamment exposés pour faire rêver.

Death: The Game - château Death: The Game, un jeu d’exploration avant tout

Aux commandes d’un squelette amnésique, votre objectif sera de le sortir de cette obscure crypte dans laquelle il s’est réveillé et de retracer avec lui son histoire. L’exploration semble donc être au centre des efforts de l’équipe de développement. C’est du moins ce que l’on ressent avec les quelques images que l’on nous donne à voir.

Death: The Game - Ascenseur

Pilonnes horizontaux ne s’appuyant sur rien, couloirs d'un château lugubre débouchant sur un ascenseur d’hôpital, meuble Ikéa sur lequel reposent des cartons bien contemporains et les lunettes d’Harry Potter… Nagflar semble nous inviter à nous perdre dans son jeu et à en démêler le sens : « une bonne partie du jeu est « juste » de se balader, de découvrir des choses çà et là, de regarder un panneau de signalisation et de se demander ce qu’il fait en plein milieu d’une forêt ».

Le 4ème mur, un argument en béton ?

La narration n’est pas mise de côté pour autant puisqu’elle est l’un des arguments principaux de ce projet et pour cause, Death: The Game va faire reposer son ambiance narrative sur l’absence totale de quatrième mur.

Le quatrième mur est, au départ, une intention de mise en scène au théâtre où un mur, invisible au spectateur, existe entre celui-ci et la scène. Cela symbolise plus généralement que les personnages d’une œuvre de fiction ne sont pas conscients d’être vus par des spectateurs… Et, en tant que féru de théâtre, entendre quelqu’un se vanter d’exploser le quatrième mur me fait grincer des dents.

Jouer avec ce mur permettait d’abord, pour Bertolt Brecht, de faire prendre du recul au spectateur, de garder son esprit critique en éveil et de pousser sa réflexion au-delà de ce qu’il voit simplement sur scène… Mais, avec le théâtre contemporain, j’ai l’impression que briser ce mur est devenu un effet facile, presque systématique, pour bousculer le spectateur. Effet qui a perdu tout sens et même justification. Cependant, des exemples intéressants de jeux contemporains avec le quatrième mur existent ! En incluant le spectateur dans la fiction (ponctuellement ou dans la mise en scène elle-même), en faisant jouer les comédiens entre les spectateurs sans pour autant les prendre en compte, ce qui ne briserait pas le mur symbolique tout en le franchissant physiquement, en laissant un seul personnage de fou du roi parler directement au spectateur pour accentuer le décalage de ce personnage avec son environnement... mais là n'est pas le sujet.

Death: The Game - Personnage

Et appliqué au jeu vidéo ?

Pour ce qui est du jeu vidéo, les expérimentations autour du quatrième mur sont bien moins présentes que dans d’autres médiums. Je pense cependant qu’elles sont moins pertinentes. On peut se lever d’une salle de spectacle ou de cinéma, cela n’aura que peu ou pas d’incidence sur l’œuvre présentée. Au contraire, dans un jeu vidéo, si on arrête de toucher aux contrôles, notre personnage ne fera pas un pas de plus. Il ne dégainera plus son épée, ne récoltera plus ses navets et sera déclaré suspect par ce que mince il n'a pas bougé du round. Il est donc évident qu’un personnage de jeu vidéo a vitalement besoin de son spectateur (le joueur) et ce bien plus que les personnages de tous les autres médiums.

Conclusion ?

Quel intérêt alors d’exploser le quatrième mur comme Death: The Game le revendique fièrement ? Peut-être serons-nous encore plus forcés à prendre certains chemins, cette fois par le personnage lui-même, comme dans les pires desseins de David Cage… Peut-être aurons-nous une belle alternative à la généralisation de la « vision de l’aigle » dans le jeu vidéo par la création d’une coopération entre le joueur et son personnage (et je ne m’en plaindrais pas)… Deviendront-ils les Brecht du jeu vidéo ou tomberont-ils dans l'outrance ? Nous ne savons pas encore mais la réponse de Naglfar se fait désirer.