Hypnospace Outlaw - Papa, c'est quoi l'internet ?
Nous sommes en 1999. Un nouveau réseau, l'Hypnospace, permet de se connecter en temps réel avec des utilisateurs du monde entier pendant son sommeil à l'aide d'un casque. Pour éviter les activités illégales sur cet internet d'un nouveau genre, Hypnospace a décidé de faire appel à vos services. Soyez attentifs, la communauté à besoin de vous. Votre voyage dans Hypnospace Outlaw peut commencer.
Le pitch du jeu du studio Tendershoot peut sembler farfelu. Si vous avez connu internet à la fin des années 90, l'Hypnospace devrait pourtant vous sembler quelque peu familier. Entre pop up, salons de conversations, couleurs criardes, musiques intempestives et polices d'écriture improbables, on se croirait revenu à l'époque de Geocities, Angelfire, ou du logiciel de messagerie ICQ. Une époque avant les réseaux sociaux, avant la toute puissance de google, où le web était un joyeux bordel pas vraiment sécurisé composé essentiellement de pages personnelles et de blogs.
Néanmoins, si l'amour du développeur Jay Tholen pour cette époque révolue transparaît dans le jeu, réduire Hypnospace Outlaw à un simple hommage au web d'autrefois serait lui faire injure.
Plus dystopique que nostalgique
Fruit du génie des frères Merchant, l'Hypnospace est une révolution. Les possibilités sont infinies mais les règles ne sont pas encore bien établies. En tant que membre de la police du réseau, vous allez devoir passer chaque recoin au peigne fin pour signaler à vos supérieurs les infractions présentes. Simulant votre propre session d'Hypnospace, le jeu se présente sous la forme d'un bureau d'ordinateur sur le système d'exploitation HypnOS. Plusieurs icônes permettent d'accéder à sa boite mail, un tutoriel, ses téléchargements et bien sur à Hypnospace Explorer. Hypii, petit personnage étrange, fait même office d'assistant virtuel comme dans les anciennes versions de Windows.
Rapidement le premier cas arrive dans votre boîte mail : C'est une affaire d'infraction au copyright. Des images d'un célèbre personnage de bande dessinée auraient été utilisées sans autorisation. Pas très réglo tout ça. Après avoir épluché quelques pages, bingo, voilà les images en question. Utilisées par une institutrice pour un concours de dessins de sa classe de maternelle. Pas vraiment une utilisation à caractère commercial mais bon, la loi, c'est la loi. Allez hop, on clique, on signale.
Votre bureau, base de vos opérations et customisable à volonté
A la manière de Papers Please, il vous appartiendra de signaler seulement quelques infractions pour satisfaire vos supérieurs ou de faire du zèle pour remporter le plus d'argent possible et contenter au maximum votre hiérarchie. Contrairement au jeu de Lucas Pope, Hypnospace Outlaw ne vous place pas toujours dans une position morale délicate. Votre rôle consiste certes à faire appliquer les règles mais aussi à protéger certains utilisateurs contre le harcèlement, des hoax ou des arnaques.
A vous de voir quelle est votre limite. Affaire après affaire, à force d'écumer des pages entières pour trouver la petite bête, l'Hypnospace devient plus que des lignes de texte et de code. On découvre le coolpunk, la Haze ou la Fungus Music, on apprend à connaître la poésie de Tamara, et on suit avec attention les guéguerres adolescentes de Zane et Corey. Nos yeux s'habituent et s'attachent au design approximatif de leurs pages et l'on se surprend à chantonner leurs musiques, variées et catchy, qui renforcent la cohérence de cet univers improbable.
Jay Tholen, compositeur et développeur, a créé une réalité alternative avec ses propres références où derrière chaque page se tient en réalité un PNJ avec lequel vous pourrez interagir. L'Hypnospace est un endroit à la fois terrifiant et amusant, simple en surface, mais plein de détails dissimulés ça et là. Et comme jamais le jeu ne vous presse dans vos missions, il est tout à fait possible de passer son temps à visiter le réseau, pour télécharger de nouveaux wallpapers, tenter de hacker la musique d'une page ou adopter des animaux virtuels. Des mini-jeux sont téléchargeables et une update récente permet même de créer sa propre page Hypnospace. Perturbant dans ses premiers instants, le jeu devient petit à petit assez chill tout en restant très prenant, à condition bien sur de maîtriser la langue de Shakespeare.
Le Chowder Man, rockstar de l'Hypnospace
Un bug dans la matrice
Au fur à mesure des mises à jours du logiciel et de vos actions, l'Hypnospace change et les utilisateurs évoluent. Quelque chose semble clocher mais difficile de déterminer réellement la nature du problème. Seuls le temps et votre capacité d'investigation pourront vous permettre de comprendre ce qui se trame sur le réseau. Derrière les cas qui s'accumulent dans votre boîte mail, une autre enquête démarre, plus profonde et mystérieuse.
En dévoiler davantage serait gâcher l'aventure mais sachez qu'Hypnospace Outlaw est un jeu profondément ésotérique. Chaotique et confus, il se révèle aux joueurs les plus curieux. L'espace de quelques heures, on se sent l'âme d'un hacker, d'un bidouilleur. Sans devenir insurmontables, les énigmes posées par vos affaires deviennent de plus en plus méta et cryptiques mais trouver leur solution confère une énorme satisfaction. A la fin du jeu, j'avais l'impression d'avoir sillonné une toute nouvelle contrée virtuelle mais sans open world, ni paravoile, ni cheval, ni voyage rapide. Je faisais partie de l'Hypnospace et j'étais presque déçu que ce monde n'existe pas.
Si l'aventure ne dispose pas d'embranchements à gogo (rappelons qu'il s'agit de la de l'oeuvre d'une seule personne!), elle fourmille de suffisamment de secrets pour inviter à la revivre une seconde fois malgré un épilogue un brin rushé.
Quel secret ce Hamster peut-il bien cacher?
Une ode à internet pleine de malice
En moins d'une dizaine d'heures, Hypnospace Outlaw aborde énormément de thèmes sur la liberté d'expression, l'évolution d'un média, le rapport à la technologie mais aussi sur le désir de reconnaissance ou de former des communautés. Malgré une présentation d'un autre âge, le jeu reste très actuel et on pourrait tout à fait imaginer une suite se déroulant au début des réseaux sociaux ou des sites de streaming. Avec humour et audace, ce titre nous rappelle qu'Internet est un formidable outil où resurgissent de manière exacerbée nos aspirations, nos passions, nos craintes et nos douleurs.