L'e-sport, le grand gagnant du confinement ?
Nous ne sommes pas tous égaux devant la situation que nous vivons actuellement. Si certains d'entre nous ont des conditions qui leur permettent de mieux vivre le confinement que d'autres, il est une question qui brûle les lèvres de tous : l'aspect économique. En effet, au sortir de cette crise, de nombreux secteurs risquent d'être très impactés (lorsque ce n'est pas déjà le cas). A contrario, l'e-sport connaît un boom médiatique de par le fait que ses compétitions les plus populaires continuent d'exister en ligne attirant ainsi un nouveau public, quand dans le même temps, de nombreuses compétitions inédites sont proposées.
Le jeu vidéo pour compenser le manque culturel
Le monde du jeu vidéo vit actuellement l'une de ses plus belles périodes. En effet, les chiffres de vente vidéoludiques atteignent des sommets depuis un mois (gameindustry annonçant une augmentation des ventes digitales de jeu vidéo de plus de 180% en France durant la semaine du 16 au 22 mars) et les dernières annonces de l'OMS ne devraient pas ralentir cette tendance.
Le jeu vidéo en tant qu'outil culturel connaît donc un pic rarement vu précédemment, mais ce n'est pas tout. En effet, les compétitions d'e-sport se multiplient et réunissent de plus en plus de monde, qu'elles soient dans la continuité des compétitions existantes ou des compétitions créées pour l'occasion.
L'e-sport comme bouée de sauvetage pour les fans de sport
Si la plupart des activités culturelles se voient fortement impactées par cette période de confinement, l'e-sport a su s'adapter afin de minimiser cette crise. Effectivement, les dernières diffusions des tournois les plus populaires atteignent des chiffres jamais atteints jusque-là. Des compétitions telles que l'Overwatch League, la Pro League de Counter Strike ou encore la LEC (League of Legends European Championship) ayant décidé d'annuler leurs événements physiques se sont concentrés sur des diffusions en ligne qui attirent de plus en plus de spectateurs malgré des conditions exceptionnelles.
"Cela fonctionne mais ça a quelques contraintes", analyse Bertrand Amar, fondateur de la chaîne spécialisée ES1. "Jouer en ligne, vous ne pouvez le faire que si vous êtes dans la même région pour des raisons de serveurs. On ne peut pas faire jouer une équipe européenne contre une équipe des Etats-Unis parce qu'ils n'auraient pas une qualité de connexion suffisante pour de l'e-sport", explique-t-il. Malgré ces contraintes, "clairement, le monde de l'e-sport est celui qui s'est adapté le moins difficilement à la situation", estime-t-il.
Les analyses sont en cours afin de déterminer l'impact précis qu'aura cette période sur le monde de l'e-sport. Si les « annonceurs classiques du marketing sportif ne s'essayent pas encore à l'e-sport » annonce Mathieu Lacrouts PDG de Hurrah (agence publicitaire spécialisée dans l'e-sport et le gaming), peut-on imaginer que le public s'étant tourné vers l'e-sport afin de compenser leur manque de sport devienne une audience pérenne ? Rien n'est moins sûr.
Un public attiré par ses « héros »
Si Twitch connaît actuellement une augmentation drastique de fréquentation (+17% par rapport à la même période en 2019 et +19,5% concernant le nombre de viewers simultanés), on peut aisément corréler ces chiffres à l'arrivée de nouveaux streamers bien connus du grand public. En effet, le nombre de création de chaîne a lui aussi explosé (+33% durant ce trimestre) amenant dans le game des streamers et compétitions inédits.
La Formule 1 mais aussi la Formula-E, le football, le basket ou la voile : ces dernières semaines, les championnats virtuels se sont multipliés, à l'initiative des fédérations, de sportifs ou de personnalités de l'e-sport.
Le football toujours aussi attractif
Le sport numéro 1 en Europe attire toujours autant de spectateurs. Le championnat de football allemand continue de faire rêver de nombreux spectateurs régulièrement avec l'organisation du Bundesliga Home Challenge. Regroupant sur Fifa 20 les meilleures équipes des championnats professionnels allemands contrôlées par un joueur et un membre du personnel de chacune de ces équipes, la compétition est diffusée aux mêmes horaires que le championnat normal et regroupe de nombreux fans. Encouragé par le site même de la fédération allemande, les rencontres sont commentées et suivies telles de vraies rencontres.
Dans le sud de l'Europe, le streamer espagnol Ibai a également pu organiser une soirée exceptionnelle. En effet, le mois dernier, il a réussi à réunir près de 60.000 viewers sur sa chaîne Twitch en diffusant le « derby Sévillan » (rencontre entre les deux clubs de football de Séville) sur Fifa20. Deux stars de chacune des équipes andalouses se sont en effet affrontées et ont permis de réunir près de 180.000 euros entièrement reversés à l'UNICEF. La verve des commentateurs ayant suivi cette rencontre en dit beaucoup sur l'importance de ce genre d'événements pour les fans en manque de sport.
Aux États-Unis, le jeu vidéo au secours des chaînes de télévision classique
Si le football comme nous le connaissons n'est pas très populaire outre-Atlantique, les Américains ont également créé des événements aux répercussions étonnantes. En effet, le 22 mars dernier, Fox Sports a diffusé la première compétition virtuelle de NASCAR (National Association for Stock Car Auto Racing) en réunissant au total 1,3 millions de téléspectateurs, soit un record d'audience pour une compétition virtuelle, mais également la meilleure audience de l'ensemble de programmes sportifs du mois pour la chaîne ! Cette dernière a d'ailleurs annoncé depuis vouloir terminer la saison de manière entièrement virtuelle.
Tant de sports représentés
Nicolas Besombes, sociologue et vice-président de l'association France Esports confirme l'aspect positif du jeu vidéo pour le monde du sport : « C'est très positif pour ces sports, qui peuvent atteindre leur public malgré ce moment très particulier. Les fédérations pour lesquelles cela fonctionne le mieux sont celles qui ont utilisé l'e-sport comme un outil marketing mais qui l'ont aussi pleinement intégré dans leur stratégie [de développement] ». Ainsi, à l'image des sports mécaniques ou de la voile où la simulation virtuelle fait partie des instruments dédiés à la détection de jeunes sportifs, certains événements connaissent un succès inattendu.
Les courses de Formule 1 ont, en effet, également réuni une audience record. Fin mars, le grand prix de Melbourne ayant été annulé, le pilote français Jean-Éric Vergne et la structure Veloce E-sports ont décidé d'organiser une course en ligne. Cette dernière, réunissant streamers populaires, sportifs professionnels et véritables pilotes a été un franc succès avec un pic à près de 200.000 viewers. Devant ce succès soudain, les instances de la Formule 1 ont également organisé une compétition régulière durant ces semaines de confinement.
Un public temporaire ?
Malgré ces chiffres impressionnants, les professionnels du monde l'e-sport restent prudents sur l'impact de la situation actuelle sur l'avenir de l'activité. En effet, Nicolas Besombes confirme qu'« outre la fanbase, cela attire des spectateurs qui n'auraient pas forcément regardé de la NASCAR ou de la voile. Mais est-ce que cela va les fidéliser dans le temps ? Je n'en suis pas persuadé ». Il reste à l'heure actuelle difficile de déterminer à quel point cette période aura un impact financier sur le monde de l'e-sport, mais il est toujours agréable de voir autant de médias parler positivement de notre domaine préféré. Cela ne durera certainement pas, alors profitons-en !