Voice et Easy Anti-Cheat : les nouveaux cadeaux d'Epic
Dans sa grande générosité, Epic Games a enrichi cette semaine son offre de services au développeur de deux nouveaux outils : Voice et Easy Anti-Cheat. Après les jeux gratuits à tire-larigot, l’entreprise semble maintenant prête à distribuer à qui le veut des logiciels qui ont couté des millions de dollars.
Un kit de développement unique pour les conquérir tous
Voice et Easy Anti-Cheat, comme leurs noms l’indiquent, permettent de proposer un service anti-triche et une méthode de communication vocale en ligne. Les deux outils sont à la disposition des développeurs, dans ce qu’on appelle le EOS SDK.
Cette série de sigle est plus simple qu’elle n’y paraît, il s’agit du kit de développement pour les services en ligne d’Epic. Lancé en mars 2019, ce kit a depuis pris du volume et s’est enrichi d’outils très divers. Voice et Easy Anti-Cheat rejoignent donc une longue liste d’accessoires, pas si accessoires pour ceux qui souhaitent lancer leur MMORPG ou un shooter en ligne : l’overlay, le matchmaking, le stockage des données des joueurs, les succès, des statistiques, la gestion des lobbys, etc. Toutes ces fonctionnalités sont des fondamentaux techniques, et pas forcément une joie à développer en tant que créatif.
Il faut rappeler, car la chose est rare, que toutes ces fonctionnalités sont regroupées dans un seul kit de développement (SDK), un gain de temps énorme pour les développeurs qui n’ont plus à rechercher chaque outil dans des SDK éparpillés un peu partout sur la toile.
Le kit est totalement gratuit et s’adapte aux logiciels de développement les plus utilisés : Unity, lumberyard, Godot et, bien sûr, Unreal Engine. À noter, donc, que développer sur le moteur d’Epic (Unreal Engine) n’est pas une condition pour profiter de ces outils. Ni même de publier sur l’Epic Store, puisque le Service en ligne d’Epic s’adapte également aux plateformes Steam, Gog, itch.io, Switch, Playstation, Xbox, etc. On peut donc, à raison, se demander où est le piège ? Que se cache derrière la grande bonté du CEO d’Epic : Tim Sweeney ?
Deux outils aux qualités Epic
Voice et Easy Anti-Cheat sont loin d’être de la marchandise tombée du camion. Voice aurait été testé sur Fortnite, notamment lors de l’événement Galactus (le Dévoreur de Mondes) le 1er décembre 2020 qui a vu 15 millions de joueurs se réunir et échanger via ce système. C’est pour la firme une preuve de la solidité de ses serveurs. Cette résistance des serveurs de Voice va compter pour beaucoup dans l’avenir, car se targuant d’être cross-plateform, le logiciel aura beaucoup à tenir sur ses épaules, avec des joueurs venant de tous horizons, de différentes consoles et machines.
Pour Easy anti-Cheat, c’est une autre affaire. Le logiciel n’est pas infaillible, et comme le Steam VAC (logiciel anti-triche de la plateforme Steam), il doit se confronter régulièrement à de nouvelles ingéniosités de la part des tricheurs. Ces logiciels auront toujours un brin de retard sur les hackers, puisqu’il leur faut d’abord expérimenter la triche pour pouvoir la bloquer ensuite ; c’est le principe des machines apprenantes, qui sont intégrées dans l’Easy anti-cheat. Mais Easy Anti-Cheat, c’est surtout un logiciel créé par l'entreprise Kamu, sage de 20 longues années (lancé en 2001), et prisé aujourd’hui dans son domaine. Avec plus de 140 jeux protégés par son système, il bénéficie en ce sens de très larges données sur les personnes et la triche. Ces datas sont mises au service de tous les jeux qui se situent sous sa croupe, et Easy anti-cheat peut alors bloquer rapidement des méthodes de triche ou des comptes fraudes d’un jeu à l’autre.
Une entreprise capitaliste aux envies d'économie solidaire
Les produits proposés par Epic n'ont donc rien à cacher, véritablement. Aucun petit astérisque n'est à craindre par les développeurs, qu'il s'agisse des conditions d'utilisation ou de leur qualité.
Pour autant, il serait dommage d'arrêter là notre opinion sur Epic et l'enrichissement de son Service en Ligne cette semaine. Car même si la firme n'engrange pas des bénéfices directs, elle voit plus loin et porte ses intérêts sur le long terme. On peut voir en effet dans la stratégie d'Epic la création d'une nouvelle identité, portée sur la gratuité, voire une économie solidaire (un peu grossière). La plateforme de vente de l'entreprise, l'Epic Game Store, s'est faite une réputation en la matière, avec un catalogue de jeux gratuits qui se renouvelle chaque semaine (près de 200 jeux gratuits à l'heure actuelle).
Et la firme n'est pas en reste, elle prétend aussi faire de l’œil aux studios de développement. Son moteur Unreal Engine va bientôt passer à la version 5, et pour cette occasion Epic a annoncé que les développeurs n'auraient aucune royalty à reverser du moment qu'ils se situaient en dessous du million en terme de bénéfices. Avec l'Unreal Engine 4, c'était 5% des bénéfices qu'il fallait reverser si jamais un développeur atteignait 5000€ par semestre.
À titre de comparaison, son concurrent direct, Unity, reste gratuit pour un développeur, à la condition qu'il n'engrange pas plus de 100 000€ de bénéfices par an. Au-delà, et pour bénéficier des analyses, des services de diagnostics ou du service client, Unity demande une contribution annuelle de minimum 369€ par poste dans une équipe.
Ajoutons à cela que pour la publication d'un jeu sur l'Epic Game Store, Epic prend 12% de la vente. Tandis que du coté de la plus grosse plateforme de vente de jeux dématérialisés, Steam, on se situe à 30%.
S'inspirer des plus grands
Epic débourse à n'en plus compter avec tous ces tarifs au rabais. Il fait un pari sur l'avenir, d'être un jour à égal face à Steam ou Unity en terme de réputation et de comptes clients. Les outils Voice et Easy Anti-Cheat intégrés au nouveau SDK font partie de cette grande stratégie du renouvellement de façade. Cependant, lorsqu'Epic sera hissé au sommet, pas sûr que cette générosité perdurera.
En son temps, Valve s'est doté de la même bienfaisance et s'était forgé, au lancement de Steam, une petite réputation de studio très à l'écoute des joueurs et des développeurs. Il faut se remémorer la sortie, en 2007, de la fameuse Orange Box, qui permettait, pour 70€, d'obtenir Portal, Team Fortress 2, Half-Life 2 et ses épisodes 1 et 2. La seule condition pour jouir de cette petite équipe de rêve était de s'inscrire sur la toute nouvelle plateforme de Valve : Steam, sorti en 2003.
Epic ne fait que reprendre ces codes très marketings qui ont prouvé leur efficacité. Steam et Unity se sont construits cependant dans un désert compétitif et étaient les seuls à proposer ce type de formules. Epic doit s'installer dans un terrain déjà bien occupé, qui demande inévitablement la stratégie très offensive qu'on lui connaît.