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Derrière l'écran - Jacques Chambon, comédien : "les différentes expressions artistiques sont transverses"

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À l'occasion de notre couverture de la Game'in Reims, nous avons pu discuter avec Jacques Chambon. Reconnu pour avoir joué le rôle de Merlin dans la série Kaamelott, il n'y a cependant consacré que très peu de temps comparativement à ses autres activités ! L'occasion d'en découvrir plus sur son parcours et ce qui l'anime au quotidien.

Bonjour Jacques ! Tu as de multiples casquettes : comédien, auteur, metteur en scène… Mais comment souhaiterais-tu te présenter ?

Mon cœur de métier c’est comédien, si je ne devais garder qu’un seul métier, ce serait celui de comédien. Je suis devenu auteur parce que j’étais comédien, puis metteur en scène parce que j’étais auteur… Tout est parti de là.

Tout s’est un peu enchaîné naturellement…

J’ai commencé à écrire car j’ai eu l’envie d’un spectacle. Mon premier spectacle n’était pas une œuvre pure, mais un montage de textes hétéroclites : récits, lettres, mémoires… C’était un spectacle sur la 1ère guerre mondiale, j’avais assemblé (et non écrit !) plusieurs textes.

La première pièce que j’ai vraiment écrite était pour ma femme et une amie, qui sont comédiennes aussi. J’avais envie d’écrire pour ces deux actrices. En fait, mon envie d’écrire vient toujours des acteurs : que ce soit pour mes propres rôles ou ceux d’acteurs que j’ai rencontrés, que j’aime, avec qui j’ai envie de travailler ou qui m’ont demandé… Je n’écris jamais pour des inconnus. Les pièces peuvent ensuite être reprises par des personnes que je connais pas, mais au départ, je sais qui va la jouer.

Quelque part, c’est un gain de temps : quand tu connais un acteur et que tu sais quelle est sa couleur (NDLR: la couleur d’un acteur représente sa musique, sa rythmique, sa personnalité, son énergie), c’est beaucoup plus simple.

Tu peux ainsi donner vie au personnage en fonction de l’acteur ?

Exactement ! En fait, l’acteur t’emmène vers une couleur que tu lui attribues, peut-être à tort d’ailleurs, puisque par essence, l’acteur est protéiforme, donc il peut changer de couleur éventuellement. Mais il y a quand même des choses qui font que tu vas plutôt aller dans une rythmique donnée pour tel acteur !

Pourquoi es-tu présent ce week-end à la Game’in Reims ? J’ai vu que tu faisais des dédicaces, également une conférence sur scène…

Déjà parce que les autres week-ends il n’y a pas de Game’in Reims *rires* ! Plus sérieusement, j’avais été assez souvent sollicité pour participer à ce genre d’événements, mais je ne suis pas gamer, ne connais pas l’univers mangas, ne suis pas très bon en heroic fantasy, n’ai vu que deux épisodes de la saga Star Wars, un seul film Harry Potter… En fait je suis une bille dans tout ce qui est pop culture, ce n’est pas mon univers, je me disais que je n’avais rien à faire là.

Et puis un jour, Aurélien Lukowski, un mec super, a réussi à me convaincre en me faisant comprendre que les publics de cet univers-là étaient aussi des spectateurs de Kaamelott et que ça pourrait donc faire de belles rencontres. En plus, je n’avais pas travaillé pendant quelques mois à cause du Covid, c’était un peu compliqué, donc il y a eu cette opportunité sur un premier salon, j’y suis allé pour une journée, c’était magnifique ! Tu passes ta journée face à des gens qui te disent : “j’aime ce que vous faites”, “ je vous aime bien”... Et je me suis dit, c’est quand même un boulot incroyable ! Quand tu es dentiste, personne ne vient te dire “j’ai aimé votre détartrage, mes dents sont si belles désormais…”, il y a donc plus difficile comme week-end ! Ça permet de rencontrer des spectateurs, souvent j’en rencontrais au théâtre pour mes spectacles, mais pas ceux de Kaamelott. Je me suis dit peut-être qu’en se rencontrant frontalement, ils pourront se rendre compte que Kaamelott est seulement la partie la plus visible de mon activité, j’y ai consacré beaucoup moins de temps que mes spectacles !

C’est donc aussi l’occasion de présenter aux fans de Kaamelott tes autres activités ?

Non, je ne suis pas là pour vendre ma camelote *rires* ! Mais ça me permet d’expliquer aux gens que même si on me voit beaucoup dans Kaamelott, j’y ai au final consacré très peu de jours dans ma vie ! Mon métier, mon terrain, mon univers, c’est le théâtre. Évidemment, je ne dirais pas ça si je recevais trois scénarios par jour dans ma boîte aux lettres, que les réalisateurs s’arrachaient Chambon…etc. Ce n’est pas le cas ! Je tourne très peu à la TV, encore moins au cinéma, donc je suis un acteur de théâtre. L’enjeu pour moi n’est pas d’amener le spectateur de Kaamelott au théâtre mais plutôt d’avoir une vraie rencontre, créer une proximité, ce qui est vraiment agréable.

Est-ce que tu joues à des jeux vidéo ? Y en a-t-il qui t’ont marqué ?

Aujourd’hui, non… Le jeu qui m’a le plus marqué c’était Space Invaders, auquel je jouais lorsque j’étais en seconde, ça ne rajeunit personne évidemment ! Mon fils, en revanche, est vraiment un gamer et est actuellement en CDD chez Ubisoft, j’espère qu’il obtiendra un CDI ! J’ai bien aimé le premier Tomb Raider, j'ai joué à V-Rally, j’aimais aussi Time Crisis, il fallait juste tirer, c’était bête et méchant.

Par la suite j’ai décroché, ça devenait trop compliqué pour moi. Une fois, mon fils m’a obligé à jouer à Medal of Honor, j’ai eu mal au cœur au bout de 2 minutes à cause de la caméra. Pour être honnête, je ne suis pas vraiment joueur dans l’âme, même les jeux de cartes ça m’ennuie, j’ai du mal à rester assis longtemps.

Le jeu vidéo est également un lieu d’expérimentations artistiques assez incroyable ! Par exemple, mon fils m’a montré les univers de Red Dead Redemption, l’étendue du monde, l’attention portée aux détails, tu te dis “wow, quand même…”, il y a des trouvailles visuelles, sonores, très riches. Bravo, si je pouvais voir ça au cinéma ce serait encore mieux ! Comme ça je n’aurais pas besoin d’emporter une manette, vu que je confonds rond et croix…

Ton type de jeux se rapprocherait donc plutôt de scénarios interactifs, qui se déroulent plus ou moins automatiquement ?

Ouais, plutôt ! Je me souviens, il y a des jeux comme ça, il faut trouver des astuces, un peu comme des escape game virtuels, ça j’aime bien. Quelquefois tu te demandes pourquoi c’était ça et pas autre chose, tu cherches la logique, c’est intéressant. Il me semble qu’un de ces jeux s'appelait Versailles, mais ça date de la PS1.

Tu as enregistré ta voix pour le personnage du Ranger dans le Donjon de Naheulbeuk : l’Amulette du Désordre, comment as-tu vécu cette expérience ?

J’adore ça ! Le travail de ma voix sur les jeux vidéo m'a toujours fasciné. Je faisais également un manager de boxe dans un jeu de combat… Ce que j’adore dans le casting c’est que ça demande vraiment d’être efficace tout de suite : tu as une suite de répliques, très courtes, chaque réplique doit sonner, être efficace. Derrière le micro, lorsque j’enregistre ma voix pour des jeux vidéo, je suis vraiment engagé, je n’arrête pas de bouger. Si tu ne t’engages pas vraiment vocalement, c’est mou. En plus, le Ranger de Naheulbeuk est loin d’être calme, toujours à cran.

Est-ce que ça change beaucoup d’autres œuvres pour lesquelles tu as enregistré ta voix ?

Dans les jeux vidéo, les personnages que j’ai joués étaient principalement caricaturaux. À Lyon, il y a un studio qui a lancé un concept de BD audio, vachement intéressant, ils ont notamment adapté Long John Silver et Lanfeust de Troy. Dans Long John Silver, mon personnage, le narrateur, était plutôt dramatique, avec une voix très posée. Il y avait également une partie plus active, où il fallait changer de rythme. C’est un vrai boulot d’interprète, la voix. J’en fais peu, mais j’aime beaucoup en faire.

As-tu des projets en cours dont tu souhaiterais parler ?

Oui, principalement théâtraux ! Dans l’immédiat, j’ai “Shame of Thrones”, une pièce que j’ai écrite, qu’on répète en ce moment et dont la première aura lieu ce jeudi (NDLR: 9 décembre). C’est l’histoire d’un roi et d’une reine qui ne se supportent plus, ils se chamaillent toute la journée pour n’importe quelle raison. Le roi est brutal et sot alors que la reine est machiavélique, très intelligente. Pendant ce temps-là, la révolte gronde, le peuple commence à se révolter.

Représentation de Shame of Thrones Représentation de Shame of Thrones

Le média vidéoludique pourrait-il en être un vecteur ?

J'aurais du mal à faire le lien entre mes projets et un univers virtuel, vidéoludique. Je ne suis pas très transmédia, mes œuvres ne sont pas assez globales pour ça.

D'ailleurs, je maîtrise très mal divers canaux de communication : quasiment inactif sur les réseaux sociaux, je n’ai que Facebook. Il faudrait que je sois présent sur Instagram, Twitter, Snapchat, etc., mais je ne saurai pas quoi raconter ! Mais bon je vais apprendre, j’ai décidé d’avoir mon propre site internet, mais entre faire ça et un match de foot anglais à la TV… Créer, écrire, mettre en scène, jouer, répéter, j’adore tout ce savoir-faire, mais le faire-savoir, ça m’ennuie. Mais bon, j’ai bientôt 60 ans, je vais apprendre ! Ma mère prend des cours d’informatique, elle a 87 ans, donc tout est possible !

Aurais-tu un mot de la fin ?

Ce genre d’événements comme la Game’in Reims, c’est un moyen de me rendre compte que les différentes expressions artistiques sont transverses, se rejoignent, peuvent se croiser… Alors effectivement, le théâtre c’est particulier, il s’agit d’un objet se situant dans l’immédiateté, si tu loupes la représentation tu n’auras pas le droit à une deuxième chance. C’est ce qui fait peut-être que je me sens un peu singulier dans un univers comme ça où on est dans l’immédiateté, dans l’éphémère et il n’y a rien de durable. Mais en tout cas, ce que j’aime dans ce genre d’endroits, c’est la bienveillance entre les gens, ils ne se jugent pas, je n’ai jamais vu une once d'agressivité en convention, les gens sont heureux d’être ensemble, partagent des passions variées mais qui se retrouvent : l’heroic fantasy, le manga, le gaming… Toute cette pop-culture est hyper ouverte, inclusive, tolérante, très rassurante finalement, car quand tu regardes les informations à la TV tu te mets à flipper, tu te dis que tu vis dans un monde en guerre. Et au final dans un endroit comme ça, tu te rends compte que les gens vivent et rient ensemble, se déguisent, sont heureux d’être là et qu’ils ont même plaisir d’échanger avec un acteur vieux de 60 ans et lui avec eux.

Merci à Jacques Chambon pour cette interview, nous lui souhaitons le meilleur pour la suite !