B.ARK - L'adaptation d'un shoot them up pour les petits
Tic Toc Games, petit studio qui se partage entre la Californie et les Philippines, fait émerger des profondeurs du rétro B.ARK. Pris dans la vaste famille des Shoot 'em up (ou shmup pour les intimes), le jeu nous place aux commandes d'une escadrille très animale composée d'un chien, un chat, un lapin et un ours, qui ont pour mission de libérer le système solaire du règne tyrannique des poissons. Le tout baigne dans une sauce très cartoonesque, rappelant leur précédente création Adventures of Pip, partageant malheureusement avec celui-ci beaucoup de lacunes.
Le monde animal en révolte
B.ARK, c'est l'histoire d'une apocalypse robotisée où les fonds marins décident d'envoyer leur arsenal hautement sophistiqué pour décimer la population humaine. Mené par Chog, un poisson à grosse tête (qu'on pourrait identifier comme un très élégant labre à tête de mouton), ce raz-de-marée militaire détruit tout sur son passage, tant et si bien qu'une poignée d'humains seulement réussit in extremis à s'exiler avec une bande d'animaux terrestres aux abords de Neptune. C'est finalement cette équipe animale qui aura à charge de compléter la mission, le groupe humain ayant été capturé dans sa fuite. Marv le lapin, Felicity la chatte, Barker le chien et Luccio l'ours composeront dès lors notre choix de personnage, chacun ayant sa particularité sur le terrain. L'un mènera des attaques explosives, l'une bénéficiera d'un canon très éclaté, de façon à ce qu'en multijoueur chacun trouve son compte et se complète avec les autres.
Véritable odyssée militaire, la reconquête du système solaire nous amènera de Neptune à Vénus, rappelant en certains aspects Lylat Wars, connu aussi sous le nom de Star Fox. Cet héritage se retrouve également dans l'apparition, parfois perturbante, de dialogues intempestifs au beau milieu du combat, qui ont au moins eu le mérite concernant Star fox de donner naissance au meme "do a barell roll" de Peppy. Malgré tout, ce rappel au shmup légendaire de Nintendo n'est qu'en surface et, dans son système de jeu ou son rythme, B.ARK est loin d'égaler l'équipe du vaillant renard.
Troquer la frénésie pour la simplicité : un bon deal ?
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la création de Tic Toc Games ne restera pas dans les mémoires pour son exigence. Livré dans la catégorie shoot 'em up, on est pourtant en droit de s'attendre à un certain dynamisme. Ikaruga, R-Type ou Dodonpachi figurent comme les dignes représentants d'un genre explosif, où l'écran hypnotise et impressionne pour sa nervosité, mais qu'il est possible de surmonter grâce à une précision technique.
Ce n'est pas franchement le cas avec B.ARK qui, même s'il propose des tableaux parfois grisants, n'offre pas un rythme assez soutenu sur la durée. Pire encore, il a tendance à être répétitif, réutilisant des mini-boss ou des schémas d'attaques (patterns) plusieurs fois de suite dans différents niveaux. On surmonte ainsi les chapitres sans grand mérite, avec une impression discrète de plaisir, mais sur un fond de lassitude de plus en plus présent. Le chapitre pré-final, sur Terre, comprime toute la difficulté qui n'avait pas été offerte dans les chapitres précédents et surprend en ce sens.
C'est peut-être le niveau le plus réussi et le mieux écrit, avec un boss, Chog, qui peut nous étourdir tant ses attaques remplissent à elles seules l'écran et n'offrent que peu de répit. Malheureusement, cette séquence demeure inaboutie, car dans ses moments les plus intenses et les plus vivifiants, notre joie s'écroule devant les lags d'un moteur incapable de gérer de nombreuses interactions. Avec une telle limite technique, on comprend donc pourquoi Tic Toc Games s'est restreint dans son travail du rythme. B.ARK a fait le choix d'une interaction plus indulgente, tournant le dos à ses pères fondateurs et boudant par la même occasion un public shmup plutôt habitué à tester les limites de leurs réflexes.
B.ARK ou le squelette du jeu rétro
D'une façon très évidente, B.ARK est aussi une tentative d'adaptation du jeu rétro à un public plus jeune. Adventures of Pip, du même studio, explorait de la même façon un genre emblématique pour en faire une adaptation accessible. Il reprend les schémas et marques du jeu de plateforme, jonglant même entre le 8-bits et le 16-bits, avec un squelette narratif somme toute très classique. Le Game Over n'est présent dans aucun des jeux, les checkpoints nous préservant de l'envie de nous améliorer, correspondant à une utilisation familiale et occasionnelle. Comme B.ARK, il pèche par son manque de gameplay ambitieux et d'exigence, mais reste un hommage aux genres vidéoludiques classiques.
Cela crée un paradoxe lorsqu'on aborde la possibilité du multijoueur : à jouer seul, B.ARK contient encore assez de difficulté pour nous amuser suffisamment, mais lasse très vite, la faute à une course guerrière bien trop lente. À plusieurs, le jeu peut amuser pour son chaos, mais la difficulté est totalement anéantie, à cause d'une force de frappe exagérément puissante face à la horde ennemie. La moitié de l'équipe se retrouvera alors vite dépossédée d'objectifs, noyée à l'arrière dans un brouhaha tranquille. La musique, même si elle a parfois des airs plaisants, n'arrange rien au rythme et poursuit l'instauration d'une certaine somnolence.
Les deux jeux partagent une direction artistique cartoonesque, très plaisante dans le cas de B.ARK, et ouvre ainsi la porte aux plus jeunes d'aujourd'hui. C'est comme si Tic Toc Games faisait de la revisite des classiques un leitmotiv de sa production, en choisissant d'adapter la difficulté à une époque moins habituée à la frénésie très 80' des jeux d'arcade. Cependant, il en ressort une création frustrante, comme si l'on avait entrepris un amaigrissement du shmup, donnant à voir un corps vidéoludique décharné de tout son intérêt.
Ce choix porté sur un public jeune devient d'ailleurs complètement absurde lors de la résolution de l'arc narratif de B.ARK. Lorsque la menace tyrannique est enfin vaincue, l'équipe animale se réconcilie avec l'affreux Chog et celui-ci se déverse dans des excuses dignes d'un enfant qui aurait brisé un vase. Il y a de quoi s'interroger sérieusement sur l'esprit de cette dernière scène, élevée en happy ending, alors que le soleil se lève sur une Terre complètement dévastée, qui a vu le génocide et l'extinction de toute la race humaine.
Une guerre-éclair à moindre coût
Pour une reconquête du système solaire en 3 heures maximum, B.ARK est extrêmement court et ne bénéficie pas, comme son mentor Lylat Wars, d'une grande rejouabilité, si ce n'est en variant les partenaires en multijoueur. Il correspond à une refonte très moderne et enfantine du shmup (shoot 'em up), obligeant dès lors à un ralentissement dramatique de son rythme pour garantir son accessibilité, notamment auprès des familles. Il aura donc un intérêt pour les dimanches après-midi vides, pour qui souhaite un peu de fun tout en entretenant une discussion.
Vous l'aurez compris, B.ARK n'est ni un chef-d’œuvre, ni un un échec et il y a assez peu à dire sur son contenu écologique qui sert assez nonchalamment une histoire de génocide humain et de nature retrouvée. Son petit prix nous permet néanmoins de pardonner ces lacunes, montrant que l'équipe de Tic Toc Games a conscience du potentiel très limité du jeu. Au final, d'un ensemble très inégal, B.ARK déploie quelques instants épiques qui sauront capter notre attention, mais insuffisants en nombre et en intensité pour nous inciter à y revenir.