Itta - Celle qui avance malgré les monstres et la mort
Le 22 avril 2020 marque la naissance d’Itta, un jeu édité par Armor Games et qui est le premier projet des développeurs de chez Revolver Glass. Sorti sur Steam et sur l’eshop de la Nintendo Switch, ce bullet hell style boss rush est également un jeu d’exploration sauce metroidvania. Armor Games est surtout connu pour son site de jeu flash et depuis quelques années, le studio s'est lancé dans l'édition de jeux indépendants principalement sur Steam. Qu'en est-il de ce nouveau premier jeu ? Plutôt jeu flash amélioré ou véritable expérience vidéoludique ? C'est ce qu'on va voir, dans ce test effectué sur Nintendo Switch.
Now that I'm here, where am I ?
C'est l'heure de commencer une nouvelle partie d'Itta ! Une icône avec une enfant dans son large manteau bleu (un petit chaperon bleu!), seulement deux petits yeux, un petit chat blanc flottant comme le sidekick idéal de tout jeu d’exploration et la curieuse présence d'un revolver lui aussi de la couleur de l'innocence... A priori, donc, tout annonce un ton léger, un monde où la mignonnerie est reine. Néanmoins, le blanc immaculé de l'image est cerné par d'effrayantes tentacules noires, à quoi s'attendre ?
L’accueil est glaçant... Comme bon nombre de jeux, le réveil marque notre rencontre avec l’héroïne. Itta ouvre les yeux dans un monde inconnu, à ses côtés se trouvent les corps inanimés de son frère, son père et son chat. Accueillie par un esprit de ce nouvel univers, la petite encapuchonnée se met en route, revolver à la main, avec un objectif bien précis en tête : retrouver sa mère et rentrer chez elle. C’est à travers l’exploration, le voyage et les combats qu’Itta cherche les réponses à toutes les questions qu’elle se pose sur ce monde sans nom.
Deux salles, deux ambiances
Ce jeu en 2D pixelart se divise en deux parties dans son gameplay. La première est consacrée à l’exploration. Itta se déplace dans plusieurs tableaux plus ou moins vastes, peuplés de PNJ et autres secrets comme des armes, des améliorations de santé ou des buff. La map est dépourvue d'ennemis ce qui permet de se consacrer à la recherche d'items ou de simplement profiter des somptueux décors en pixelart.
Le principal temps de jeu se fait lors des combats contre les boss. Ceux-ci se déroulent dans ce que les personnages appellent des "chambres" : de grandes salles. Le gameplay reprend la substantifique moelle du genre bullet hell: un joystick pour se déplacer, un autre pour viser, une touche pour tirer et une deuxième pour esquiver. Lors des combats, il faut également prendre en compte une barre qui augmente lors des esquives des attaques et qui, une fois complète, permet de faire plus de dégâts et rend votre personnage invulnérable. Les combats restent visibles malgré la multitude d’attaques des boss et sont grisants une fois la bonne arme trouvée et le système d’esquive assimilé. Toutefois, le jeu s’avère difficile et il ne sera pas rare que vous rencontriez la mort face à un boss un peu trop ardu. Pas de panique, vous pourrez toujours y revenir plus tard avec un meilleur équipement ou avec plus de vie.
Cependant, si vous cherchez un challenge équilibré, il est conseillé de ne pas trop attendre avant de faire les boss. Les ennemis des précédents mondes peuvent se révéler ridiculement faciles à vaincre une fois qu'Itta aura posé ses petites mains sur une arme, ce qui enlève un peu d'intérêt à des affrontements qui, autrement, auraient pu être dantesques. C'est en tout 18 boss dont 4 optionnels que vous devrez affronter. Si la plupart ont un design détaillé, plusieurs batailles se révèlent parfois répétitives. Les ennemis partagent souvent une ou deux attaques en communs et un pattern similaire. Vers la fin du jeu, il est rare d'être surpris par les coups portés par vos gigantesques adversaires.
Le bruit des armes et les pans de narration
Itta est un vrai produit de son époque ; les inspirations et les hommages sont nombreux, que ce soit du côté de ses compères qui ont fait évolué le paysage vidéoludique - Undertale, The Binding of Isaac, Titan Souls et surtout Hyper Light Drifter - que ce soit dans la direction artistique ou encore dans certaines thématiques (l'enfance, une forme de maladie). Les inspirations visuelles proviennent également des œuvres japonaises - les films du Studio Ghibli et en particulier Berserk de Kentaro Miura. Ces inspirations, aussi diverses soient-elles, n’entament pas l’identité propre du jeu : Itta possède sa propre aura et son univers aussi mystérieux que cohérent.
Cela va de pair avec une histoire qui passe par différents biais. Tout d'abord il y a les dialogues avec plusieurs PNJ qui ont tous leur background, ils se révèlent à la fois très froids mais transpirent d'humanité. De plus, les livres sont disséminés un peu partout, il sont également essentiels pour comprendre les tenants et aboutissants de l'histoire d'Itta. Enfin, le rapport à la mort est entièrement intégré à la narration. A chaque mort contre un nouveau boss, une cinématique dans laquelle Itta s'exprime démarre : fatiguée, désespérée, déterminée... Le personnage est tiraillé dans ses sentiments… cette transparence renforce énormément l'attachement qu'on a envers notre avatar et son compagnon.
La direction artistique accentue le principal thème du jeu : la dualité. Alors qu’en lançant le jeu avec une icône si mignonne, on s’attend à un univers cartoon et mignon, on se retrouve finalement dans une dimension pesante où les fleurs rouges se confondent avec les tâches de sang qui jonchent le sol et vos pas. Le jardin dans lequel vous évoluez est magnifique mais le danger pèse : votre écran est entouré de ronces. C’est un monde en ruine que l’on traverse, plein de maisons délabrées, de visages abîmés gravés dans la pierre.
Une identité visuelle marquante donc, qui s'accompagne d'une atmosphère sonore unique. Les musiques du jeu ne plairont pas à tous et donnent parfois l'impression de saturer ; les percussions, et autres sonorités plus orientales se mélangent avec l'utilisation de sons métalliques à l'image du mélange de nature et de technologie dans le jardin principal. C'est particulièrement contre les boss que la musique sonne parfois comme une alarme au fur et à mesure que les phases se succèdent. Si elles peuvent crisper après plusieurs essais, le parti pris musical ne laisse rien au hasard quitte à laisser quelques joueurs sur le côté.
Itt'as déjà fini ?
Difficile d'être trop exigeant avec un jeu indépendant sur sa durée de vie, plutôt qu'un défaut, il s'agit d'une petite frustration que j'ai à formuler. Selon la familiarité que vous avez avec le genre, comptez environ cinq heures pour finir le jeu à 100%. L’aventure se digère bien mais un peu de contenu post game aurait été le bienvenu. Certes, il y a des boss optionnels mais ils sont disponibles avant l’affrontement final. Bien sûr il est possible de s’imposer des challenges : le célèbre no damage ou encore l’utilisation d’une unique arme pour les ennemis ; tout dépend de votre affinité avec Itta ! Néanmoins, une petite liste de challenges ou même des succès auraient été appréciés pour passer un peu plus de temps avec notre petit personnage et son artillerie lourde.
Conclusion pour Itta
Le mot "Itta" ne sonnera plus seulement comme le nom d'un caster Overwatch... Il s'agit d'une véritable expérience prenante autant par son gameplay, simple mais grisant que par son univers aussi morbide que touchant. Un jeu actuel qui assume l'héritage des œuvres vidéoludiques qui le précèdent pour le transposer sur le genre du bullet hell. Certes, Itta ne réinvente pas le genre et possède quelques défauts principalement liés aux combats et au post-game, mais la narration se glisse parfaitement dans ce style de jeu. Plus qu'un petit jeu indépendant, il est une aventure marquante avec plusieurs niveaux de lecture et Itta peut aussi être une porte d'entrée pour les néophytes du genre comme c'est le cas pour votre nouveau testeur.