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En reconversion professionnelle, Céline veut rendre son vécu utile

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Dans le long chemin menant à une mixité effective dans notre société, il existe des situations, des drames portés par le simple fait d’être une femme. Agressions et harcèlement sont le quotidien de nombreuses personnes. Les mères, nos mamans, n’en sont pas exclues. Elles peuvent subir ces exactions au plus proche du cercle familial, même après avoir quitté leur conjoint. Céline l’a vécu il y a quelques années. De ces événements, aussi destructeurs soient-ils, Céline a souhaité en faire le moteur de sa reconversion sociétale et professionnelle. 

Mère célibataire de deux enfants, une cagnotte de soutien a été créée pour qu’elle puisse décemment suivre des formations qui lui permettront, à terme, d’aider et prévenir d’autres femmes.

Bonjour Céline, peux-tu te présenter ?

Je suis Céline L., j’ai 37 ans, je vis seule avec mes deux petites filles âgées de 7 et 9 ans. Après avoir passé une quinzaine d’années dans le milieu financier auprès d’organismes de crédits et banques, je suis actuellement en reconversion professionnelle pour devenir conseillère en image et relooking / conférencière, exclusivement réservée aux femmes, qui sont ou qui ont été victimes de violences conjugales et/ou intrafamiliales.

Peux-tu, si cela n’est pas trop difficile, nous parler de ce que tu as vécu ?

J’ai subi les violences conjugales et intrafamiliales pendant une dizaine d’années avec le père de mes enfants. Suite à plusieurs séparations et retours à la vie commune, j’ai décidé de mettre fin définitivement à cette relation toxique en avril 2017. C’est à ce moment que le véritable calvaire a commencé :

  • Harcèlement téléphonique via appels, SMS, ligne professionnelle au travail.
  • Visite sans cesse à mon domicile et parfois tard le soir. Il m’attendait régulièrement à la sortie de mon travail lors de ma pause déjeuner.
  • Menaces de me retirer la garde de mes enfants, car pour le fuir, pendant quelques mois, je vivais de gîte en gîte. Il disait pouvoir m’enlever mes petites parce que je n’avais pas de domicile fixe.
  • Intrusion dans mon domicile quand je partais au travail, il ouvrait ma porte d’entrée avec une lame de cutter, une épingle à cheveux, faits constatés grâce à la télésurveillance.
  • Après les menaces de suicide, Monsieur a menacé de me tuer, et de tuer nos filles.
  • J’ai été forcée à deux reprises d’avoir des relations sexuelles.

Les conséquences : La peur au ventre, des tremblements, de l’angoisse permanente quand je récupérais mes enfants le soir, une importante prise de poids de 16 kilos (compensation du stress sur la nourriture) et la perte de sommeil.

De quelle manière souhaites-tu faire de cette épreuve le cœur de ta vie professionnelle ?

Dans la réalisation de ce projet, je souhaite créer des partenariats avec des associations d’aide aux victimes de violences conjugales et/ou intrafamiliales, mais pas seulement. Avec les groupes de parole, les assistant⸱e⸱s sociales, les avocat⸱e⸱s, les médecins, les psychologues, les hôpitaux, les forces de l’ordre… 

Je souhaite organiser des conférences afin de prévenir de la réalité de la violence conjugale, ainsi que des ateliers maquillage et relooking en petit groupe afin que ces femmes partagent leur expérience et des moments agréables dans un cadre chaleureux. La violence conjugale ne se traduit pas uniquement par des coups, mais aussi par des mots. Des mots qui blessent au plus profond de soi, des mots qui rabaissent, des mots qui humilient et des mots qui nous font perdre confiance. La violence verbale est tout autant destructrice que la violence physique. J’entends encore ses mots aujourd'hui, j’entends encore ses menaces de me tuer, de tuer mes filles et il m’arrive encore aujourd'hui d’en faire des cauchemars.

Quel a été le moment, le déclic où tu t’es dis: “Je vais faire de cette épreuve ma vocation” ?

Je sentais que le monde financier n’était plus pour moi, avec mon employeur, nous sommes convenus d’une séparation amiable. 

Face à l’écoute des actualités sur les féminicides et le manque d’attention des forces de l’ordre, j’ai réalisé à quel point j’ai eu la chance d’être écoutée, entendue, rassurée par le gendarme chargé de mon dossier et j’ai obtenu justice au tribunal correctionnel: mon ex-conjoint a été condamné. Toutes les femmes n’ont pas cette chance. Policiers, gendarmes, certains sont sensibilisés sur le sujet, d’autres pas du tout. Certains, avec leur expérience et venant d’une brigade à risques, repèrent rapidement les femmes traumatisées au regard de leur comportement et de leur façon d’être. 

Il existe aujourd'hui des formations pour les forces de l’ordre sur ce fléau dont l'ampleur se révèle de plus en plus: 149 féminicides en 2019, 26 depuis début 2020 (chiffre d'avril 2020, ndlr). À l’avenir, je souhaiterais y participer afin d’apporter mon témoignage, leur expliquer ce qu’il se passe vraiment dans la tête d’une femme victime de violences.

Avec deux enfants à charge et ton vécu, des organismes t’accompagnent-ils dans ta reconstruction, ta reconversion ?

En ce qui concerne la formation pour être conseillère en image, elle est prise en charge totalement par le biais de mon CPF (compte personnel de formation, ndlr), le coût est de 1790€.

Par contre, la formation intitulée “victimologie”, composée de sujets indispensables (les formes de victimologie, la psycho-traumatologie, les sujets juridiques) pour adapter mon comportement face à une femme victime et lui apporter tous les conseils nécessaires n’est pas financée, le coût est de 1280€. Aucun organisme ne souhaite intervenir, ni le pôle emploi, ni la région

De même pour ma formation de prise de parole en public, dont le coût est de 880€.

Les situations de violence, de harcèlement intrafamiliales sont encore nombreuses à notre époque. Viennent souvent avec elles le silence du cercle proche. Selon toi, que faut-il faire pour changer la donne ?

C’est difficile de répondre à cette question. La violence conjugale est très complexe et est encore un sujet tabou. La femme victime qui subit les violences au quotidien a énormément de difficultés pour sortir du silence, il y a la honte, mais aussi la peur, la peur des représailles, la peur que le conjoint ou ex-conjoint passe réellement à l’acte suicidaire ou meurtrier. Les sentiments sont partagés entre l’amour qu’il reste pour le père de ses enfants, la haine, la pitié, la culpabilité, la peur que les enfants nous en veuillent.

Et la plupart du temps, le cercle proche ne souhaite pas s’en mêler. Et la plupart n’agissent pas. On a constaté pendant le confinement qu’un voisin contactait les forces de l’ordre parce que le voisin d’à côté sortait son chien toutes les 3 heures; mais par contre, pour une femme et des enfants qui se font tabassés, ils ne décrochent pas le téléphone. Il faut sensibiliser les gens davantage sur ce sujet pour éviter les féminicides. L’État manque encore de moyens à ce sujet, le système judiciaire aussi, malgré certaines avancées depuis le grenelle en 2019.

Il faut informer, les forces de l’ordre doivent être à l’écoute, la femme victime doit être conseillée dès le départ sur la procédure judiciaire et vers quels organismes elle doit se tourner.

En ce qui me concerne, j’ai mis un an et demi pour déposer plainte parce que mes démarches passées n’étaient pas complètes. Avant de déposer plainte, le gendarme m’a tout expliqué sur le déroulement de la procédure, les conseils, les organismes sur lesquels je pouvais me tourner, c’est aussi ce qui m’a convaincu et m’a rassuré pour franchir le pas.

À toutes les lectrices et lecteurs de cet entretien, quel message souhaiterais-tu transmettre ?

Dans ces situations dramatiques, les femmes sont tellement dévalorisées que la plupart ne prennent plus soin d’elles, elles peuvent perdre leur personnalité. En devenant conseillère en image et relooking, en les conseillant, je souhaite les re-valoriser à travers leur image et les aider à retrouver leur féminité, une confiance en elles et une assurance, partager un petit brin de bonheur pour leur redonner le sourire.

Dans mes conférences, je souhaite transmettre à nouveau que la violence conjugale ne se traduit pas uniquement par les coups mais aussi les mots et le comportement du conjoint et ex-conjoint. Je souhaiterais les conseiller au maximum, les convaincre de ne pas hésiter à déposer plainte. Leur transmettre mon combat, d’être restée debout pendant mon calvaire, mon courage de déposer plainte contre un homme que j’ai tant aimé et qui est le père de mes enfants, transmettre la force qui m’a traversée pendant la procédure judiciaire, que la justice existe.

Je tiens également à remercier infiniment tous ceux et toutes celles qui participeront à ma cagnotte par le biais d’un don. Cette aide sera précieuse pour la création de mon projet et de mon entreprise.

Vous pouvez faire un don et aider Céline à réaliser son projet professionnel, par le biais de cette cagnotte Leetchi.