Comment et pourquoi l'accessibilité est-elle mise en oeuvre dans les jeux ?
Si je peux jouer sans difficulté pour la plupart des jeux, ce n'est pas le cas de tout le monde. Des handicaps, qu'ils soient moteurs, visuels, auditifs...etc, perturbent l'expérience de nombreux joueurs. Comment et pourquoi l'accessibilité est-elle mise en œuvre dans les jeux ?
Qu'est-ce que l'accessibilité ?
Ce que nous appelons l'accessibilité est en fait le terme plus précis d'accessibilité universelle. D'après Wikipédia, cette accessibilité universelle est défini par "le caractère d’un produit, procédé, service, information ou environnement qui, dans un but d’équité et dans une approche inclusive, permet à toute personne de réaliser des activités de façon autonome et d’obtenir des résultats équivalents".
Ce que cela signifie, c'est tout simplement la création de systèmes permettant à tous, peu importent les handicaps, de vivre comme n'importe qui et au plus proche de la norme d'expérimentation. Les accès pour fauteuils roulants dans les bâtiments, les feux sonores aux passages piétons, le braille sur les emballages, le sous-titrage... toutes ces inventions sont des systèmes visant à créer une accessibilité universelle.
Petit à petit, les sociétés modernes s'équipent sur ces multiples points, à différentes vitesses selon les secteurs. Celui qui nous rassemble sur Jeu.Video, c'est bien évidemment le secteur vidéo-ludique, et quand on en vient à son accessibilité, disons que c'est assez inégal. Les dispositifs visant à palier les déficiences auditives et visuelles se démocratisent plus rapidement que ceux pour les handicaps moteurs, dont la forme du handicap peut grandement varier d'une personne à l'autre.
Qui est concerné ?
Comme le monde du jeu vidéo est ouvert à tous, la réponse est simple : tout le monde. Si l'on parle spécifiquement des personnes en situation de handicap, on découvre des chiffres impressionnants.
En effet, selon l'OMS (l'Organisation Mondiale de la Santé), plus d'un milliard de personnes dans le monde serait en situation de handicap, soit environ 15% de la population mondiale, et entre 110 et 190 millions d'entre eux seraient dans une situation de handicap majeure et incapacitante au quotidien.
Dans les grandes lignes, cette population est constituée de :
- 466 millions de personnes déficientes auditives
- 253 millions de personnes déficientes visuelles
- 200 millions de personnes déficientes mentales/intellectuelles
- 75 millions de personnes en fauteuil roulant
Ces chiffres en eux-même soulignent l’importance de l’accessibilité universelle, notamment dans un des domaines ludiques les plus populaires au monde.
Quels sont les problèmes les plus communs ?
Dire qu’il faut faire, c’est une chose, mais par où commencer, et que faire en détail ?
Pour répondre à ces questions, le site internet CanIPlayThat? naquit de la bonne volonté et de la passion de deux femmes, Susan Banks et Courtney Craven. Auparavant, ces deux américaines malentendantes partageaient leurs expériences de jeu sur le blog oneoddgamergirl.net, qui a trouvé un public grandissant au fil du temps. C'est finalement en 2018 qu'elles fondèrent CanIPlayThat?, afin de tester les jeux en tant que rédacteur en situation de handicap, avec un système de notation précis orienté sur l'accessibilité, mais aussi en écrivant des pages détaillées destinées aux développeurs sur les attentes et les besoins selon les catégories de déficiences moteurs ou sensorielles.
D'autres rédacteurs avec d'autres particularités ont rejoint la plateforme, comme Steve Saylor, écrivant des articles pour mal et non voyants et faisant de nombreuses vidéos youtube sur sa chaîne "Steve Saylor – BLIND GAMER", ou bien Grant Stoner, rédacteur à mobilité réduite.
Quelles solutions existent déjà ?
la liste proposée par CanIplaythat?, apporte de nombreuses pistes d’implémentations in-game de systèmes servant à l'accessibilité universelle. Certains peuvent paraître omniprésents et communs, mais ce sont de bon rappels de pourquoi et à qui ils servent. Pour ne donner que quelques exemples :
- Ajouter des options permettant d’ajuster le contraste.
- Un affichage intuitif des objets interactifs.
- Des indicateurs d’intensité sonore / un niveau de discrétion (imaginez l’œil de furtivité de Skyrim, par exemple).
- un sous-titrage lisible et indiquant le locuteur, et si possible, sa position par rapport au joueur.
- pouvoir reprogrammer les touches, toutes les touches.
- des options pour alléger les efforts physiques des QTE (quick time event).
- pouvoir désactiver les flash lumineux et colorés dans les animations et les cinématiques, ainsi que le flou visuel du au mouvement.
- une orientation spatiale par rapport au personnage et à la carte simple à lire.
- des options d’ajustement de couleurs (comme le mode daltonien de League of Legends).
Pour une liste plus complète, vous pouvez visiter la page des guides de CanIPlayThat? juste ici.
Les consoles se mettent également à proposer ces options, comme la PS4 et son menu d’accessibilité permettant d'ajuster les paramètres de lumières et de sons, ou bien la Xbox et son mode copilot, permettant de déporter différentes fonctionnalités sur deux manettes.
On retrouve également des outils directement spécialisés comme le Xbox Adaptative Controller, un grand pas dans le combat pour l’accessibilité des joueurs en situation de handicap moteur.
Pourquoi en parler ?
En parler, c’est soutenir ces communautés de joueuses et joueurs qui ont des besoins et des attentes, et les inviter dans cette passion que nous partageons très certainement, vous qui lisez ces lignes, moi qui les écrits et ces personnes qui ne demandent qu’à être traitées dignement et pouvoir profiter aussi de leur jeu favori sans rencontrer une frustration qui est parfois quotidienne. Si c’est une échappatoire, un moment de plaisir et une source d’inspiration pour la majorité, alors le jeu vidéo peut l’être également pour n’importe qui.
Comme nous l’avons vu plus tôt, un nombre important de personnes sont en situation de handicap. des chiffres qui devraient grandir encore dans les années à venir : par exemple, la médecine de pointe sauve des vies avec parfois des séquelles là où la mort aurait frappé par le passé. De plus, le vieillissement général des populations qui ont grandit avec le jeu vidéo apporte de nouvelles catégories de joueurs. Il est même estimé qu’aux alentours de 2050, 1 personne sur 10 souffrira de déficience auditive.
Ces situations de handicap ont aussi tendance à créer un isolement social, chez des gens qui auraient peut-être pu trouver un refuge dans le gaming. Ces problèmes d’intégration sociale ne se résolvent pas par le silence, et nous pouvons être fiers de ceux soutenant l’accessibilité universelle dans l’industrie du jeu, comme les équipes à l'origine de The Last Of Us part II, Timecrest, Minecraft Dungeons et d’autres encore.
Ce ne sont là que des exemples qui démontrent les opportunités qui s’ouvrent à tous dans le JV, et qui permettent d’intégrer tous ceux qui le souhaitent, car dans notre communauté, tout le monde à sa place.
Je vous laisse méditer sur la question, et en attendant de vous retrouver sur un autre sujet, souvenez-vous : l'accessibilité est un jeu que l'on gagne tous.