Decarnation : un jeu d'horreur psychologique résolument féministe
Decarnation est un jeu d'horreur psychologique développé par le studio indépendant Atelier QDB (un studio français) et édité par Shiro Games. Il est sorti le 31 mai 2023 sur PC et Nintendo Switch.
Decarnation : les tribulations d’une jeune femme
Paris, 1990. Gloria, 29 ans, est dans une situation incertaine : son patron veut la mettre au placard et son couple bat de l’aile. La jeune femme commence alors à s’enfoncer dans une dépression. Un soir, elle reçoit l’appel d’un mécène reconnu qui lui propose de subventionner ses spectacles dans le monde entier. Cette proposition est-elle une porte de sortie ou le début d’une descente aux enfers pour Gloria ?
Decarnation : entre rêve et réalité
S’inspirant notamment du film Mulholland Drive de David Lynch qui explore le thème du rêve comme échappatoire (ici, je ne parle pas du rêve que l’on fait quand on dort, mais de pensées imaginaires, de fantasmes, d'halucinations), Decarnation place Gloria aux frontières du réel, dans un monde imaginaire, son monde imaginaire. Un endroit dans lequel elle se réfugie, souvent à ses dépens, pour se donner du courage et affronter la vie réelle. Pour accompagner la protagoniste dans ces épreuves, le jeu reprend les mécaniques classiques du survival horror et vous invite à explorer des environnements hostiles et à résoudre des égnimes. Il propose aussi une grande variété de mini-jeux (réflexion, réflexes, rythme, etc.) qui s’intègrent parfaitement à l’histoire. L'ensemble est agrémenté d'une bande originale sinistre de rigueur composée par Alt 236 et Akira Yamaoka (Silent Hill).
Decarnation : une métaphore de la condition féminine
Au-delà d’un jeu d'horreur, la première création du studio Atelier QDB est aussi une réflexion sur la condition féminine. Chaque femme pourra se reconnaître en Gloria, une femme travailleuse et sincère qui rêve de s’installer avec sa petite amie, mais qui fait face à la cruauté et à l’ingratitude sans doute à cause de son genre. En effet, son patron tenterait-il de la mettre au placard alors qu’elle est une danseuse remarquable et appréciée par les spectateurs. Et sa mère critiquerait-elle ses choix professionnels si elle avait été un homme ? Avec la délégitimisation de la femme, les développeurs abordent aussi sa chosification et la prédation (comportent de prédateur) de l’homme. Des sujets difficiles qui sont tout de même abordés avec pudeur et intelligence grâce à la suggestion et à la figuration. Les développeurs décrivent, par exemple, des œuvres d’art altérées représentant des corps féminins ou des éléments du corps féminins tourmentés ou déformés sans jamais les montrer. Ainsi, ils transgressent le médium jeu vidéo qui, surtout depuis quelques années, fait de l’image un vecteur d’émotion. Lorsque Gloria rêve ou vit (on ne sait jamais trop si l’on est dans un rêve ou dans la réalité dans Decarnation) son agression sexuelle, elle ne la subit pas directement. L’agresseur s’en prend à sa statue (elle a posé pour un sculpteur). Cette statue, par effet de figuration, est chaque femme qui a vécu cela. Ce procédé est réutilisé dans la représentation des hommes qui ont une apparence monstrueuse dans le jeu, l’analogie n’est pas difficile à comprendre…
Pour conclure
Decarnation est un divertissement réflexif porté par un gameplay varié et sobre et une direction artistique faite de résonances qui dénoncent la condition féminine. Attention, ce jeu, en raison des thèmes abordés (TW : violences sexuelles, dépression), est toutefois destiné à un public averti.