The Messenger - Interview Sabotage Studio : Voyage dans le monde imaginaire de The Messenger et Sea of Stars
Sommaire
- Jeu.video : En ces temps de distanciation sociale, vous avez reçu un soutien massif de la part de vos fans dès le début de la campagne Kickstarter, Vous vous attendiez à un tel engouement ?
- Pourquoi avoir eu recours au financement participatif ?
- Sea of Stars, votre second jeu sera un rpg, alors que le précédent était un metroidvania, pourquoi cette évolution ?
- Pouvez vous nous en dire plus sur les liens entre The Messenger et Sea of Stars?
- Sea of Stars est donc une préquelle scénaristique mais aussi le premier jeu que vous souhaitiez développer...
- Chrono Trigger, c’est l’influence majeure du Sea of stars?
- L'interactivité est donc au centre de l’expérience. Avez-vous prévu d'incorporer des puzzles tout au long de l'aventure?
- Tu parles beaucoup de l’enfance et des influences retro. Mais est ce qu’il y a des jeux modernes qui t’inspirent, en dehors de Mass Effect ?
- L'un des éléments mis en avant dans la vidéo de Kickstarter est la présence d'un cycle jour/nuit, quel est le rôle de cette feature dans le jeu?
- L’adaptation de la musique, c'est quelque chose qui vous tient à cœur. On se souvient de la réaction des joueurs sur The Messenger quand ils ont découvert que l’acoustique du son changeait dans les sections sous-marines du jeu.
- L’un des premiers stretch goals de votre campagne était le mode Single Player +, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
- Qui dit J-RPG, dit groupe d'aventuriers. Combien de personnages jouables seront disponibles durant le jeu?
- Un autre palier concernait l’ajout de scènes cinématiques, en quoi consisteront-elles ?
- Ce premier palier semble déjà loin, puisque vous avez atteint les derniers stretch goals de la campagne.
- Mitsuda sera donc aux cotés de RainbowDragonEyes, déjà à l’oeuvre sur The Messenger. Vu le type de jeu qu’est Sea of Stars, est-ce que le style des compositions sera différent ?
- C’est vrai qu’à l’image du cinéma, la musique de jeu vidéo utilise moins aujourd’hui la notion de thème réservé à un boss ou un personnage au profit d’ambiance...
- Quand on pense à The Messenger, on pense aussi beaucoup à l’humour, très présent et la volonté constante de briser le quatrième mur, est-ce que ce sera toujours le cas dans Sea of Stars ?
- Parlons un peu de The Messenger, justement. L’été dernier sortait Picnic, le premier DLC gratuit du jeu. A l’époque, deux autres DLC avaient été évoqués, qu'en est-il aujourd’hui ?
- Le speedrun était déjà dans votre tête quand vous avez conçu The Messenger ?
- Qu est-ce que The Messenger a changé pour Sabotage Studio ?
- Actuellement, combien de personnes travaillent chez Sabotage ?
- C’est intéressant parce qu’il y a pas mal de similitudes finalement entre Lorne Lanning (créateur de la série Oddworld) et toi, vous avez tous les deux créé des univers riches, drôles et avec des jeux à la fois indépendants et connectés.
Après avoir connu un succès aussi bien critique que public avec The Messenger, Sabotage Studio est de retour avec Sea of Stars, un jrpg dans la veine des productions japonaises de la Super Nintendo. Prévu pour 2022, le jeu a déjà fait sensation en remplissant l'objectif de son Kickstarter en à peine six heures, récoltant au final plus d'un million d'euros pour une demande initiale de 87000 euros. A l'occasion de cette campagne exceptionnelle, Thierry Boulanger, président et directeur créatif du studio québécois, a accepté de répondre à nos questions sur Sea of Stars, The Messenger et l'évolution de Sabotage.
Jeu.video : En ces temps de distanciation sociale, vous avez reçu un soutien massif de la part de vos fans dès le début de la campagne Kickstarter, Vous vous attendiez à un tel engouement ?
Thierry Boulanger : A la base, nous avions planifié la sortie du Kickstarter par rapport à la GDC. Vu que ça tombait proche de l’équinoxe de printemps et que le jeu parle des enfants du solstice, pour nous c’était le timing parfait.
Malheureusement la GDC a été annulée en raison du Covid 19, mais on s’est tout de même tenu au plan. On s’est dit qu’il fallait prendre le risque, pour les joueurs, pour les fans. A la base, on avait prévu d’atteindre l’objectif après deux semaines, avec plusieurs annonces successives, mais finalement cela n’a pris que six heures ! Du coup, le phénomène nous a un peu dépassé et il a fallu travailler tout de suite sur les annonces pour motiver les joueurs, mais on ne peut vraiment pas se plaindre de ce succès.
Pourquoi avoir eu recours au financement participatif ?
On réinvestit 100 % des gains de The Messenger sur Sea Of Stars, donc le financement participatif a pour but de payer nos employés pendant trois ans. On peut pas demander le montant réel d’un jeu sur Kickstarter, les chiffres deviendraient énormes et cela deviendrait difficile à expliquer pour les joueurs. Même moi, si on me demandait de donner deux millions pour un jeu, je pense que je tiquerais un peu. Réussir des campagnes comme ça, tu ne peux le faire que si tu as quelqu’un de connu comme Koji Igarashi pour Bloodstained par exemple.
Ce nouveau Kickstarter nous a permis de voir si notre fanbase répondait et si on avait de nouvelles personnes intéressées par le projet. On croit au projet, on croit à l’équipe et on cherchait une validation.
Sea of Stars, votre second jeu sera un rpg, alors que le précédent était un metroidvania, pourquoi cette évolution ?
En réalité, Sea of Stars est depuis le début le projet phare de Sabotage. Tous les employés étaient au courant au moment d’entrer dans le studio, et tout le monde avait envie de travailler dessus mais c’était trop ambitieux pour un premier jeu. A la base, The Messenger, Sea of Stars, tous les éléments de game design et de scénario autour de ces jeux font partie d’un univers que je crée depuis mes huit ans. Nous avions ce monde, et la question était de savoir quel type de jeu nous pourrions faire pour se marier avec les histoires que nous voulions raconter. The Messenger était l’histoire d’un seul personnage et le metroidvania était un format qui convenait particulièrement bien pour la petite équipe que nous avions à l’époque.
Dans le cadre de Sea of Stars, c’est l’histoire d’un groupe d’aventuriers avec un monde plus vaste, de l’exploration, beaucoup plus de liberté donc le RPG est plus indiqué, surtout que notre équipe s’est beaucoup étoffée depuis trois ans.
Enfin, l’idée de Sabotage c’est de raconter toutes ces histoires à travers les jeux qui ont marqué notre enfance, tout en leur apportant une vraie touche de modernité. On l’a fait avec The Messenger sur le platformer en fluidifiant les contrôles ou avec plus d’humour et maintenant on veut appliquer ce même traitement aux j-rpgs de notre enfance.
Pouvez vous nous en dire plus sur les liens entre The Messenger et Sea of Stars?
Sea of Stars est une préquelle de The Messenger. Dans The Messenger, le monde a été dévasté par une grande inondation et il ne reste plus qu’une île. Dans l’univers de Sea of Stars, qui se déroule des centaines d’années avant, cette île sera une partie du monde que vous allez explorer.
Si vous avez joué à The Messenger, vous reconnaîtrez des clins d’oeils à des endroits ou des personnages dans Sea of Stars mais il n’y a pas besoin de jouer au premier pour apprécier le second. D’ailleurs, on est curieux de voir la réaction de ceux qui joueront à The Messenger après Sea of Stars et qui reconnaîtront ces clins d’oeil d’une autre façon. On ne voulait pas créer un club exclusif et assumer que les joueurs avaient déjà joué à The Messenger donc ce sont des expériences séparées mais avec des connexions.
Sea of Stars est donc une préquelle scénaristique mais aussi le premier jeu que vous souhaitiez développer...
L’ordre des idées est difficile à désembrouiller. Quand j’avais huit ans, ça n’avait pas beaucoup de cohérence, c’était juste un ninja qui se battait avec un boomerang et lançait des rayons de soleil. Ça s’est raffiné sur 25 ans au fur et à mesure, et j’ai un peu joué le Nick Fury du projet en essayant de rassembler les meilleurs talents que je connaissais sur le game design, l’animation etc.
On s’est retrouvé sur une vision, une manière de faire les jeux et des idées. J’ai soumis plusieurs idées de jeu et il s’avère que Sea of Stars est celui qui a clairement fait l’unanimité. C’était également mon projet favori, car il s’inspire de Chrono Trigger qui est et restera pour toujours mon jeu préféré, très loin devant tous les autres.
Chrono Trigger, c’est l’influence majeure du Sea of stars?
Les deux influences principales sont Chrono Trigger, en premier lieu et Illusion of Gaïa qui proposait plus de liberté d’action dans son gameplay. On peut aussi citer Paper Mario, Suikoden, Breath of Fire... De manière moins visible, Sea of Stars est un peu influencé par Mass effect dans le rythme, la narration... Le bateau, qui sera la base d’opération mobile du jeu, est comme le Normandy dans la série de Bioware.
L'interactivité est donc au centre de l’expérience. Avez-vous prévu d'incorporer des puzzles tout au long de l'aventure?
En ce moment, on expérimente des actions avec des éléments de décor comme dans Goof Troop sur Super Nintendo, on ne veut jamais bloquer le joueur avec trop de difficulté. La difficulté sera dans les quêtes annexes, que ce soit dans les combats comme dans les énigmes. On ne veut pas frustrer ceux qui sont venus pour l’histoire avec des énigmes frustrantes comme par exemple ce fut le cas dans Lufia 2, un rpg rétro cher à mon cœur mais qui souffrait de ce défaut. L’idée est avant tout de retrouver le feeling que nous avions quand nous étions gamins en jouant le samedi matin avec le plaid sur les genoux. Dans la même philosophie, Sea of Stars ne misera pas trop sur le grind mais plus sur la mémorisation de pattern ou la réorganisation de votre groupe pour optimiser vos chances face à un boss.
Tu parles beaucoup de l’enfance et des influences retro. Mais est ce qu’il y a des jeux modernes qui t’inspirent, en dehors de Mass Effect ?
En fait, les idées viennent de l’enfance mais le traitement est inspiré par la modernité. Même dans de très bons rpg retro, on trouvait des éléments un peu gênants. Par exemple, dans les anciens jrpg, tu te retrouvais parfois à accumuler 86 élixirs dans ton inventaire parce que tu attendais le bon moment pour les utiliser. Et finalement soit tu terminais le jeu avec tes 86 élixirs sont tu en utilisais 45 sur le dernier boss…
Par contre dans The Witcher III ou Dark Souls tu ne peux pas posséder plus d’un certain nombre de potions et le stock se re-remplit avec le temps. Ce système pousse d’une part, à utiliser ses potions et d’autres part, empêche le joueur de stocker un maximum de potion en vue d’un boss en particulier. C’est un exemple de modernisation d’un vieux système.
Une autre « malédiction » des vieux RPG, c’est le « j ai pas joué depuis deux semaines et je me souviens absolument plus de ce que je dois faire ». Dans Mass Effect, il te suffit d’aller dans ton vaisseau et de parler aux membres de ton équipage pour savoir quel est ton objectif.
Aujourd’hui, contrairement à l’époque, nous avons internet et c’est un vrai défi de garder le joueur dans le jeu, de lui donner tous les éléments à sa disposition et faire en sorte qu’il n’aille pas consulter un guide ou un walkthrough.
D’autres rpg le faisaient déjà, comme Phantasy Star IV, mais ce n’était pas la majorité.
L'un des éléments mis en avant dans la vidéo de Kickstarter est la présence d'un cycle jour/nuit, quel est le rôle de cette feature dans le jeu?
Dans le jeu, on obtient rapidement le contrôle sur le cycle jour/nuit. Les héros sont les enfants du solstice et disposent donc d'un lien privilégie avec le soleil et la Lune. Dans certains lieux, en alternant jour et nuit on pourra accéder à des lieux clos ou résoudre des énigmes. Dans un puzzle, vous avez une rune qui s’active à midi et une autre a minuit. Pour activer les deux en même temps, vous devrez donc intervenir sur le cycle. Etant donné l'importance de cette feature à la fois dans le gameplay et dans l'histoire du jeu, nous avons essayé d'implémenter une technologie moderne en matière de lumière, tout en gardant le feeling retro. De la même manière, les musiques changeront de manière dynamique, la flûte et les mélodies chantantes laisseront place à des sons plus doux et feutrés lors des passages nocturnes avec de la harpe par exemple. Ce seront les mêmes morceaux, mais réorchestrés pour coller à l’atmosphère.
L’adaptation de la musique, c'est quelque chose qui vous tient à cœur. On se souvient de la réaction des joueurs sur The Messenger quand ils ont découvert que l’acoustique du son changeait dans les sections sous-marines du jeu.
(rires) C’est drôle parce que sur The Messenger, nous avons eu avant tout le souci du détail... Et pour nous ce changement sonore n’était qu’un détail amusant. Et on a été vraiment étonné d’en avoir entendu autant parler. C’est un de ces moments où le jeu fait exactement ce que ton intuition t’indique, et reproduit le feeling de la réalité. C’est efficace car il y a une conversation entre le game design et le joueur. Dans Sea of Stars, nous voulons continuer avec ce même souci du détail !
L’un des premiers stretch goals de votre campagne était le mode Single Player +, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Le choix du terme est important. Ce n’est pas un mode coopération, c'est le mode single player où le joueur 1 décide de la navigation, des dialogues, des menus mais un second joueur peut prendre l’autre manette pour participer à l’exploration et aux combats. Encore une fois, toujours dans le respect de notre philosophie, cette feature ne va pas bloquer le jeu car le joueur 1 a toujours le contrôle. Ce n’est pas un mode à part, juste une possibilité pour un ami de vous accompagner l’espace d’un instant ou pendant l’intégralité du jeu. On a fait vraiment attention à la manière de formuler le nom de ce mode pour ne pas créer des attentes et d’éventuelles déceptions.
Qui dit J-RPG, dit groupe d'aventuriers. Combien de personnages jouables seront disponibles durant le jeu?
Il y aura six personnes jouables, même si nous n’en avons montré que trois pour le moment. En combat, vous ne pourrez en contrôler que trois à la fois mais il sera possible de switcher avec un personnage de votre réserve immédiatement, sans gaspiller un tour. Les personnages pourront, comme dans Chrono Trigger, déclencher des attaques combinées en fonction de leurs affinités.
L’idée est d’enlever toute friction ou frustration dans l’expérience utilisateur. On ne veut pas que les joueurs voient les coutures. Notre philosophie est d’engager constamment le joueur, de lui proposer une navigation fluide et satisfaisante plutôt que de le faire aller d’un point A à un point B. Un peu comme par exemple dans Marvel’s Spiderman sur PS4, où même si vous devez rejoindre une destination pour une mission, le fait de se déplacer est déjà divertissant et presque une fin en soi.
Un autre palier concernait l’ajout de scènes cinématiques, en quoi consisteront-elles ?
A travers ce palier, nous voulons travailler sur des scène cinématiques semblables à celles qu’on pouvait trouver dans les rééditions de Chrono Trigger : des scènes animées courtes qui viennent appuyer des moments importants de l’aventure.
Pour cela nous allons faire appel à notre ami André Kadi, fondateur du studio Du Coup Animation. Ce sont des amis de longue date, qui connaissent notre vision. Nous leur avons demandé de travailler sur un premier jet pour Sea of Stars et cela a convaincu les fans.
Ce premier palier semble déjà loin, puisque vous avez atteint les derniers stretch goals de la campagne.
Oui, la semaine dernière, nous avons validé le palier de l’édition physique du jeu, qui sera réalisée par Limited Run, et là nous avons eu l’immense honneur d’annoncer la participation de Yasunori Mitsuda, le compositeur des musiques de Chrono Trigger, à la bande originale de Sea of Stars. Dans son message officiel, Mitsuda nous a dit vouloir travailler sur le jeu parce qu’il reconnaît dans Sea of Stars l’esprit des jeux de l’époque, avec une vraie touche de modernité... Pour lui, même si d’autres jeux ont essayé de capturer l’essence de ces titres, Sea of Stars est probablement celui qui peut y arriver le mieux.
D’avoir une personne aussi illustre qui désire travailler avec vous, c’est une vraie consécration. Surtout quand on travaille sur des jeux d’inspiration rétro et que certaines personnes ont l’impression qu’on leur ressert parfois des clones d’anciens. Etre approuvé par Mitsuda, ça clôt un peu la discussion.
(ndlr : depuis l’interview, un autre palier a été atteint, avec l’ajout d’un DLC, gratuit pour les backers du jeu)
Mitsuda sera donc aux cotés de RainbowDragonEyes, déjà à l’oeuvre sur The Messenger. Vu le type de jeu qu’est Sea of Stars, est-ce que le style des compositions sera différent ?
Oui c’est certain ! Pour nous la musique est très importante. J’ai l’impression que dans le jeu vidéo, la manière de faire de la musique a changé. Quand les productions sont devenues à plus gros budget, on a eu des compositions avec plein d’instruments, plein de pistes mais aussi avec beaucoup de lenteurs et de lourdeurs et beaucoup moins de mélodies accrocheuses. Là-dessus les compositeurs nous racontent qu’ils n’ont jamais été aussi fier de leur travail... Mais pour moi tout ça n’aura jamais la force de, disons, la musique du dernier boss de Final Fantasy VI (ndlr : le mythique Dancing Mad).
C’est vrai qu’à l’image du cinéma, la musique de jeu vidéo utilise moins aujourd’hui la notion de thème réservé à un boss ou un personnage au profit d’ambiance...
Exactement. Notre idée est de revenir à cette valeur de production, et c’est là qu’Eric aka RainbowDragonEyes intervient, car il est très doué par ça. Pour moi, c’est un génie. A la base, on ne se connaissait pas personnellement mais il était mon compositeur préféré. Je voulais absolument travailler avec lui. J’ai vu qu’il était de passage à Québec pour un concert et je suis allé le voir pour lui dire que je montais une équipe et que je voulais qu’il en fasse partie.
Pour Sea of Stars, même si on va ajouter de la modernité, enrichir les mélodies avec de nouveaux instruments, nous voulons garder cette idée d’un contenu clair, sans lourdeur avec des notes qui restent dans la tête.
Quand on pense à The Messenger, on pense aussi beaucoup à l’humour, très présent et la volonté constante de briser le quatrième mur, est-ce que ce sera toujours le cas dans Sea of Stars ?
Bien sûr ! J’ai écrit 100 % du script de The Messenger et ce sera pareil pour Sea of Stars. Pour moi, c’est une poignée de main avec le joueur. On l’emmène dans une aventure épique et on se moque ensemble des clichés des RPG. L’anecdote des élixirs pourrait revenir dans le jeu... Mais aussi d’autres trucs qui m’ont toujours fait rire comme les beaux châteaux symétriques où l'on se bat contre des dizaines de gardes impériaux pour finalement voir une cut-scene avec avec quatre gardes qui nous mettent en prison.
Dans le cas de The Messenger, on était dans des petites répliques car le jeu était centré sur l’action et qu’on était jamais sûr que le joueur allait parler aux personnages. Alors que dans un RPG, on a plus l’attention du joueur, plus de dialogues et on peut construire plus de situations.
Parlons un peu de The Messenger, justement. L’été dernier sortait Picnic, le premier DLC gratuit du jeu. A l’époque, deux autres DLC avaient été évoqués, qu'en est-il aujourd’hui ?
Picnic Panic a bien fonctionné et effectivement il y avait l’idée d’un second chapitre. Cependant, nous avons senti d’une part qu’il y avait une réelle envie dans l’équipe de passer à autre chose et d’autre part que nous n’avions pas envie de trop gonfler le contenu de The Messenger, que le jeu reste une expérience accessible et cohérente. Peut-être que nous raconterons plus tard les chapitres 2 et 3 si l’envie est encore là ensuite mais pour le moment nos équipes sont concentrées sur Sea of Stars.
Nous avons encore une personne qui travaille sur une édition définitive de The Messenger, avec des musiques supplémentaires, une histoire concernant le shopkeeper, des skins de différentes couleurs pour le joueur, un mode speedrun et un mode randomizer où l’on pourra jouer des tableaux et des boss dans un ordre aléatoire. La communauté des joueurs nous réclame ces deux modes davantage que l’ajout de contenus inédits.
Le speedrun était déjà dans votre tête quand vous avez conçu The Messenger ?
Oui bien sûr ! Nous ne sommes pas des runners, mais nous sommes des fans de événements du genre comme l'Awesome Games Done Quick. Quand nous avons créé la mécanique du saut du nuage, avec la possibilité de stocker son double saut et potentiellement créer des boucles infinies de saut, on savait que c’était un truc qui pourrait accrocher avec les speedrunners… Et effectivement la réponse a été très bonne avec cette communauté.
Qu est-ce que The Messenger a changé pour Sabotage Studio ?
The Messenger a tout permis à Sabotage. Au début du studio nous n’étions que trois, et on se payait seulement de temps en temps. Quand nous avons commencé à créer The Messenger, c’était une proposition simple « Je saute donc je suis ». On voit un ninja qui court, qui fait un salto avant et on comprend tout de suite le jeu.
Maintenant que nous avons réussi à accumuler des fans, on peut se permettre de proposer un RPG d’inspiration retro et de demander au joueurs de nous faire confiance, et d’investir dans un jeu qui ne sortira que dans deux ans. Pour ceux qui doutent de notre capacité à s’inscrire dans la tradition de ces jeux et de raconter une histoire originale, il peuvent essayer The Messenger et se faire leur propre idée.
The Messenger nous a permis d’acquérir une vraie crédibilité pour porter ce nouveau projet qu’est Sea of Stars.
Actuellement, combien de personnes travaillent chez Sabotage ?
Actuellement nous sommes seize. Nous étions huit à travailler sur The Messenger, et une partie de l’équipe travaillait aussi en externe sur le prochain jeu Oddworld : Soulstorm, pour l’aspect gameplay et technique.
C’est intéressant parce qu’il y a pas mal de similitudes finalement entre Lorne Lanning (créateur de la série Oddworld) et toi, vous avez tous les deux créé des univers riches, drôles et avec des jeux à la fois indépendants et connectés.
Lorne, c’est presque le premier de tous les indie. C’est un vrai directeur créatif avec une vision bien précise et c’est un perfectionniste. Pour lui, la seule chose sur laquelle il ne faut jamais faire de compromis, c’est la qualité. Etant directeur créatif moi-même, j’ai beaucoup appris en travaillant avec lui et il nous a donné beaucoup de confiance. C’était une collaboration vraiment naturelle, qui a duré de 2015 jusqu’à l’été 2019, et une vraie chance de travailler avec ces personnes-là. Nous sommes désormais tous mobilisés sur Sea of Stars, à l’exception d’une personne qui travaille encore sur la version définitive de The Messenger.