NieR Automata - La forme finale d'un jeu bouleversant
Sommaire
- De Drakengard à Nier Automata
- NieR, un titre incompris à sa sortie
- Un remake aux allures de Director's cut
- Les fins justifient les moyens
- Un monde restreint mais débordant d'idées
- Une bataille éclatante contre les ombres
- Délicieuses imperfections
- Sur les routes, je trace tout de nous
- Nier Replicant : dix ans après, la magie de Yoko Toro atteint son paroxysme
Plus de dix ans après une sortie un peu chaotique sur PS3 et Xbox One, NieR est de retour sur PC et consoles de salon sous forme de remake au titre esotérique : NieR Replicant v.1.22474487139. Une belle occasion de découvrir le préquel méconnu de Nier Automata.
De Drakengard à Nier Automata
La trajectoire de la série NieR est probablement l'une des plus étranges du jeu vidéo de ces deux dernières décennies. Tout commence par Drakengard en 2003, ou "Drag-on Dragoon" au Japon, un titre complexe à aborder né de l'imagination débordante de Yoko Taro. Avec une histoire rocambolesque et un gameplay maladroit entre Panzer Dragoon et Dynasty Warriors, le jeu remporte une belle adhésion au pays du Soleil-levant mais divise dans le reste du monde.
Drakengard se distingue pourtant déjà par sa narration atypique à base de fins multiples successives, déblocables si l'on termine plusieurs fois le jeu. C'est l'une des fins de ce jeu qui débouchera notamment sur les évènements de départ de NieR en 2010 et c'est également l'une des fins de NieR qui ouvrira la voie à NieR Automata.
NieR, un titre incompris à sa sortie
Si en 2021, une telle construction est déjà atypique, l'idée est alors hautement plus farfelue en 2003 et 2010. Quand NieR sort en 2010 sur PS3 et Xbox 360, le jeu a du mal à rencontrer son public. À l'époque, le RPG japonais est en genre en berne et les joueurs du monde entier se ruent sur Mass Effect 2, Assassin's Creed Brotherhood ou Read Dead Redemption.
À côté de ces mastodontes, NieR fait pâle figure avec des graphismes datés, ses décors un peu vides et son gameplay trop lourd. Amputé par des coupes budgétaires, le titre sort incomplet et ne rencontre pas le succès escompté.
Malgré cet échec, NieR devient lentement mais surement un jeu culte pour un cercle d'initiés de par sa bande-son et sa narration parfaitement maitrisées. Avec le temps, l'univers de Yoko Taro semble avoir trouvé un petit public hors du Japon. C'est probablement ce qui poussera Square Enix à lui faire confiance à nouveau pour réaliser NieR Automata en 2017, RPG Post-apocalyptique au succès aussi important qu'inattendu (plus de 5 millions d'exemplaires écoulés).
Un remake aux allures de Director's cut
Après cette expérience, les joueurs étaient désormais prêts à découvrir NieR. C'est le projet de ce remake édité par Square Enix et développé par Toy Logic, studio fondé par des développeurs ayant travaillé sur la série Drakengard (à l'époque au sein du studio Cavia).
Nier Replicant ver.1.22474487139 se présente donc comme une version améliorée mais aussi plus fidèle à la vision développée par Yoko Taro à l'époque. Une orientation qui tranche avec la tendance actuelle des remakes et remasters souvent réalisés souvent plus à des fins mercantiles que créatives.
Si vous n'avez ni joué au jeu original, ni à Nier Automata ou Drakengard, pas de panique. Si des éléments relient ces titres, ils sont complètement indépendants et NieR démarre d'ailleurs sur des bases assez classiques. Dans un monde imaginaire en péril, vous incarnez un jeune homme qui tente de sauver sa petite sœur atteinte d'une maladie mystérieuse. Se fiant à une vieille légende, il va se lier avec un artefact magique, le Grimoire Weiss pour trouver le remède à ce mal.
Les fins justifient les moyens
Sur son chemin, il va rencontrer Kaine, une guerrière aussi redoutable que torturée, et Emil, un garçonnet sous le coup d'une malédiction. Cette quête les amènera sur un long chemin de sang et de désillusions, toutes plus dures et inexorables.
Difficile d'en dire plus sans divulgacher, mais les rebondissements sont légion, et il vous faudra terminer le jeu à trois reprises au moins pour avoir le fin mot de l'histoire. À chaque nouvelle "route", vous devrez reprendre l'aventure depuis un point précis et vous aurez accès à de nouvelles informations et scènes qui donneront une toute nouvelle couleur aux évènements parcourus.
Une fin supplémentaire, prévue dans le jeu d'origine mais coupée lors de sa sortie, est même disponible dans ce remake. Ce dénouement, véritable feu d'artifice technique et émotionnel devrait faire verser des larmes aux joueur(euse)s ayant fait l'effort non négligeable d'en venir à cette conclusion (comptez une bonne trentaine d'heures pour l'atteindre).
L'alchimie développée entre les personnages, les détails cultivés çà et là au gré des quêtes et des runs effectuées et la maestria de la partition de Keiichi Okabe, Emi Evans et la Team Monaca y sont évidemment pour beaucoup. NieR Replicant, comme sa suite Automata, bénéficie tout simplement de l'une des meilleures bandes originales de l'histoire du jeu vidéo et les ajouts réalisés pour ce remake viennent encore la sublimer davantage.
Un monde restreint mais débordant d'idées
L'univers de NieR n'est pas bien grand et vous vous en rendrez encore plus vite compte route après route. Pourtant, son identité est terriblement forte. Les lueurs du soleil éreintant de Facade donnent un cachet unique à la ville et le calme inquiétant qui règne dans le village de l'Aire donne un charme pittoresque à sa désolation.
Côté donjons, NieR fait encore plus fort en proposant des changements de game design et de gameplay pour donner du corps à chaque environnement. La caméra se fixe dans le manoir d'Emil à la manière d'un vieux Resident Evil ou s'incline pour passer dans une vue de haut en mode 3D isométrique dans un laboratoire pour donner une nouvelle dimension à l'exploration.
Le jeu s'aventure même sur d'autres terrains plus éloignés comme le jeu narratif ou le puzzle game. Ce remake ajoute un donjon inédit à la quête principale, avec une mise en scène différente et un arc narratif particulièrement poignant.
Une bataille éclatante contre les ombres
À cette exploration s'ajoute un nombre assez important de combats contre les ombres, une menace qui envahit peu à peu notre monde sans que personne ne sache réellement expliquer pourquoi. Les combats ont également été remaniés par rapport au jeu original et sont désormais très fluides et agréables à jouer.
Vous pouvez frapper avec votre épée, esquiver, parer ou faire appel à la magie du grimoire Weiss pour déclencher des sorts dévastateurs. L'ensemble est spectaculaire et riche en effets pyrotechniques surtout contre les boss, où le jeu prend parfois des allures de bullet hell dans lequel on serpente entre les orbes. Même si le challenge n'est pas forcément toujours au rendez-vous et que l'exécution n'atteint pas le niveau d'un Nier Automata, ces affrontements ne freinent jamais le rythme de l'aventure et le respawn incessant des ombres ne cesse de peser sur nos actions comme sur la narration.
Délicieuses imperfections
D'un point de vue graphique, le jeu a globalement subi un joli lifting visuel et la direction artistique permet au jeu de conserver un charme unique malgré quelques éléments datés (décors un peu vides, quelques textures un peu rigides). Le titre ne s'est pas non plus départi de certaines maladresses dans le design des quêtes obligeant les joueurs à accumuler les allers-retours entre les divers PNJs. Il faut bien admettre que NieR est parfois pénible et que Yoko Taro joue avec nos nerfs en jonglant entre éreintante répétitivité et merveilleuse ingéniosité.
Et pourtant, ce sont ces imperfections qui construisent cette œuvre cinglante, ce puzzle éclatant et éclaté de moments épiques, de soupirs de lassitude, de rage contre le sort de nos héros, de frissons d'angoisse et de matraquage des touches pour venir à bout d'une énième vague d'ombre. Route après route, à mesure que vous courez à perdre haleine dans les mêmes lieux pour comprendre les choix et les émotions de Kaine, Emil et du protagoniste, se dessine une autre voie, celle de la vérité éclatante qui inonde de sa lumière le bout du chemin.
Sur les routes, je trace tout de nous
À la fin de ma deuxième route, j'ai ressenti une pointe de découragement, j'étais un peu fatigué de devoir recommencer à nouveau ma quête. Comme je voulais tout de même vraiment comprendre de quoi il retournait, j'ai entamé ma troisième route et c'est alors que quelque chose d'imprévu s'est produit. En me rendant à nouveau dans les mêmes endroits et en découvrant les derniers secrets qu'ils avaient à me révéler, j'ai soudainement eu le sentiment que je pouvais désormais inverser le cours des évènements, que je pouvais changer les choses dans ce monde maudit.
Je connaissais et j'aimais profondément mes deux acolytes et je voulais les protéger coûte que coûte. J'avais acquis un tel niveau de familiarité avec cet univers que je voulais trouver un moyen de le sauver des ombres ou qu'une autre existence y soit possible pour mon petit trio d'aventuriers, loin de toute cette violence. Pour la première fois, ivre de mes combats et galvanisé par les thèmes musicaux de mes compagnons, j'envisageais cette possibilité.
Pour toutes ces raisons, les deux dernières fins du jeu ont été de véritables montagnes russes émotionnelles pour moi. Leurs images ont hanté mon esprit les nuits et les jours qui ont suivi. Depuis, je n'ai qu'une seule envie : relancer Nier Automata.
Nier Replicant : dix ans après, la magie de Yoko Toro atteint son paroxysme
Comme bon nombre de joueurs, j'étais passé à coté de NieR lors de sa sortie originale et il en aurait peut-être toujours été ainsi sans ce remake. Et cela aurait été vraiment dommage. Nier Replicant est un véritable chef-d'œuvre dont le cri de désespoir et d'amour résonne jusque dans le moindre détail.
Magnifié par ses idées brillantes comme ses multiples fins et ses chants incantés dans une langue imaginaire, sublimé par ses choix hasardeux mais assumés de game design, c'est un titre sans concessions qui saura récompenser celles et ceux qui lui consacrent le temps qu'il mérite.
Avec les améliorations de cette nouvelle version.1.2247448713 et ce nouveau final d'anthologie, c'est un voyage que l'on ne saurait que trop vous conseiller d'entreprendre.