Anodyne 2 : Return to Dust - Chassons la poussière de nos cœurs
Après un succès remarqué sur PC, Anodyne 2 : Return to Dust, est disponible depuis le 18 février sur consoles. L'occasion de (re)découvrir ce titre singulier à l'atmosphère étrange et dont les graphismes naviguent entre les époques.
Plus fort que la douleur
Savez-vous ce que signifie le mot Anodyne en anglais ? Le dictionnaire Larousse le traduit comme un analgésique, c'est-à-dire un médicament dont l'objectif est de diminuer la sensation de douleur. Ce mot vient du grec anodynos, qui signifie "sans douleur". Cette douleur est la thématique centrale du jeu et le studio derrière Anodyne 2 porte même le nom d' Analgesic Productions.
Le premier Anodyne interrogeait le joueur sur la lassitude des cycles d'existence des héros et des antagonistes de jeu vidéo. Pour ce deuxième opus, sans lien réel avec son prédécesseur, Analgesic Productions vous invite à devenir celle qui mettra tout simplement fin à la douleur.
Poussière et Décadence
L'Anodyne, c'est votre mission. Vous êtes Nova, nanonettoyeuse envoyée par Le Centre sur la Nouvelle Laterre. Pour mettre fin à la corruption du monde par la poussière, supprimer la douleur qui le ronge, vous devez provoquer l'Anodyne. Ce concept mystérieux n'est jamais clairement expliqué mais vous êtes né en ce monde pour accomplir cette mission.
Ce postulat pose déjà la particularité du titre. Vous êtes en guerre contre un ennemi invisible, omniprésent et votre but est d'amener le calme et la sérénité dans ce monde. Cela peut sembler ésotérique mais Anodyne 2 : Return to Dust est un jeu simple, voire naïf, et surtout doté d'un humour méta bien senti.
Lumière introspective
Pour mener à bien sa mission, Nova possède deux talents bien particuliers. le maniement expert de l'aspirateur pour faire disparaître la poussière, la seconde provient de ses étincelles qu'elle peut lancer sur un être ou un objet pour rétrécir à l'échelle nanométrique et pénétrer sa structure moléculaire.
Vous allez devoir parcourir le monde et pour aspirer toute la poussière nichée en réalité dans la psyché des individus ou dans la projection de celle-ci dans des objets. En réalisant cette prouesse, vous récolterez de la poussière bien sûr, mais aussi des cartes capables d'augmenter la capacité du prisme à poussière, l'artefact que vous devez remplir pour réaliser l'Anodyne.
Une contrée étrangement familière
Quand vous déambulez dans les paysages de la Nouvelle Laterre, votre quête prend la forme d'un open world 3D inspiré de l'esthétique des jeux Playstation, Saturn et Nintendo 64. Les premières minutes, vous aurez certainement des réminiscences de jeux du type Zelda : Ocarina of Time, Psychonauts, Spyro the Dragon ou même de titres un peu plus récents comme Beyond Good & Evil.
Pourtant, passé cette première impression, le jeu développe son propre univers visuel et utilise à merveille ces polygones imparfaits. Aujourd'hui, nous sommes habitués à des environnements 3D très détaillés, ne laissant que peu de place à l'imagination. Anodyne 2 : Return to Dust magnifie cet art cocasse, où la technique permet de nous évoquer un endroit, un lieu sans y parvenir complètement.
Ici, l'incomplet est maitrisé, cultivé à tel point qu'une autre topologie confuse naît sous nos yeux. Les reliefs sont hésitants, les personnages arborent des couleurs et des proportions délirantes. On croit sans mal à la corruption d'un monde qui nous semble un peu malade.
La thérapie par le puzzle
Alors on commence nos missions de nanonettoyage et un autre sursaut visuel se produit. Quand elle pénètre dans la psyché ou l'imaginaire d'un être vivant. Nova s'incarne dans un monde en 2D vue du dessus, comme The Legend of Zelda : A Link to the Past.
Son aspirateur lui permet alors de se défendre contre des ennemis, mais aussi et surtout de résoudre des puzzles pour progresser jusqu'à la source de la poussière. Interrupteurs, jeux d'ombre, labyrinthe, jeux de logique et de mémoire et bien d'autres énigmes sont au programme.
Chaque donjon intérieur possède sa problématique, ses mécaniques et fait progresser à la fois la quête de Nova mais aussi sa compréhension de ce monde qu'est la Nouvelle LaTerre et le sens de sa mission.
Le pixel art est soigné, les arrière-plans évocateurs et l'utilisation des contrastes et des couleurs donnent une vraie personnalité à chacun de ces nanodonjons.
Tu es née poussière, poussière tu retourneras
Quelle est cette poussière ? Que provoque-t-elle en nous ? Pourquoi doit-on la faire disparaître ? Les dialogues avec le Centre, l'institution responsable de la création de Nova, et les habitants de La Nouvelle LaTerre sont aussi contradictoires que bien écrits.
À mesure de nos rencontres et notre périple, on découvre un vallon aux peuplades mues par des sentiments troublés, exagérés mais terriblement sincères, puis un désert florissant de vies dissimulées dans le nanoverse. Les donjons, linéaires au début, se ramifient avec des sous-couches de gameplay, de nouvelles dimensions et des univers alternatifs.
Avec toujours, la poussière qui traverse l'existence. Elle se niche dans le débat entre de vieux arbres à l'agonie, dans l'orgueil d'un dragon à l'oreille interne défaillante, ou dans le gris quotidien d'un employé de fast-food fataliste fasciné par une gargouille.
Une complexité en trompe l'œil
Malgré tout ce développement aussi riche que nébuleux, Anodyne 2 : Return to Dust reste toujours doux et accessible grâce à un gameplay simple. Un level design astucieux, un environnement à taille humaine et une écriture bienveillante.
La narration est certes un peu décousue par moments mais le travail de Melos Han-Tani et Marina Kittaka, les deux uniques développeurs du jeu, n'est pas hermétique. Le titre entretient d'ailleurs un rapport de complicité avec le joueur en brisant volontiers le quatrième mur à plusieurs reprises.
Tout, du chara design super-héroïque et un peu grotesque de Nova jusque dans les compositions oniriques qui habillent les différents recoins de LaTerre, respire la sincérité et l'amour du jeu vidéo.
Anodyne 2 : Return to Dust, dépoussière le jeu d'aventure
Le premier Anodyne était un jeu étudiant très méta mais finalement assez sage dans sa forme et son propos. Dans ce second volet, le duo de développeurs a progressé aussi bien dans l'écriture que dans la caractérisation de ses personnages. Si les influences sont encore visibles et assumée, le jeu possède une identité très forte et ne ressemble à aucun autre.
Anodyne 2 : Return to Dust est un jeu indépendant qui fourmille d'idées visuelles, sonores, narratives et ludiques. C'est une aventure pleine d'émotion et de suspense qui prend plaisir à surprendre le joueur. Elle regorge de mystères, d'histoires, de lieux et de thématiques dont je pourrais disserter pendant des heures. Melos Han-Tani et Marina Kittaka explorent et créent en utilisant librement les matériaux qu'ils désirent : de la 2D en 8bit, en 16bits, de la 3D, de la 3D isométrique, du RPG, du jeu de rythme, de plate-forme ou encore du jeu narratif.
Anodyne 2 se joue des formes, de l'apparence, des codes et les étire, les mélange, les déguise à la manière d' artistes surréalistes comme Breton ou Magritte. C'est assez rafraîchissant de voir un jeu vidéo utiliser tous les matériaux qu'il souhaite tout en gardant une forme cohérente et personnelle. Si ses polygones peuvent vous paraître un peu grossiers de prime abord, le titre d'Analgesic Productions fait en réalité preuve d'une élégance rare dont vous auriez tort de vous priver.