Braid - Le jeu indé qui bouleversa le marché !
Les jeux indépendants ont toujours plus ou moins existé. Tous les jeunes créateurs ont un jour expérimenté une idée et exploré leur créativité pour donner vie à leurs univers vidéoludiques. Aujourd'hui le marché du jeu indé est très populaire et a su trouver sa place au point de se hisser aux côtés de réalisations à grand budget, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Remontons le temps et attardons-nous sur l'un des piliers du jeu indépendant, le célèbre Braid !
Retour dans le passé !
Braid est un jeu en 2D paru en 2008 sur Xbox Live Arcade puis en 2009 sur PC et PS3. Le titre est un habile mélange entre plate-forme et puzzle-game, dans un habillage visuel et musical somptueux. Reprenant un style impressionniste et des musiques classiques aux allures celtiques, Braid a su très rapidement tirer son épingle du jeu. Il devient en effet un succès commercial et critique presque instantanément et a permis, avec d'autres softs du même moule de démontrer aux acteurs du marché qu'un véritable engouement pouvait naître de ce type de productions plus modestes.
Le principe de Braid est simple : proposer un plate-former profond, avec des casse-têtes basés sur la manipulation du temps. On peut revenir en arrière et corriger nos erreurs, annuler la mort de notre personnage, attendre un pattern d'ennemis et de plate-formes pour progresser, etc...Un concept très simple qui va être poussé dans ses retranchements à chaque nouvelle zone découverte. Dans certains chapitres, certains objets ne sont pas impactés par le passage du temps, ou bien les ennemis et les pièges bougent en fonction du joueur s'il se déplace en avant ou en arrière.
Au delà de son gameplay malin et simple à fois, Braid séduit par son ambiance générale, mais également par son scénario discret, de prime abord, mais disposant de plusieurs niveaux de lecture. Les clefs d'un tel succès ? Un propos à la fois touchant et intelligent, teinté de références à de grands classiques du jeu vidéo, et surtout une créativité palpable.
Du pain sur la planche
Braid est conçu par un seul homme : Jonathan Blow. Âgé alors de 37 ans à la sortie du titre, Blow est un créateur avec un passif de programmeur dans le secteur vidéoludique depuis plusieurs années. Lassé de travailler sur de longs projets qui ne lui correspondent pas forcément, il décide de concevoir son propre jeu, seul. Entre 2005 et 2008, il travaille d'arrache pied sur Braid, son premier jeu solo. Par la suite il sera également connu pour être le designer et créateur du jeu The Witness, paru en 2016, un autre excellent puzzle-game en 3D salué par la critique et couronné lui aussi de nombreuses récompenses.
Mais revenons en à Braid. La genèse du projet date de 2003, au moment de la sortie de Prince of Persia : Les Sables Du Temps, célèbre jeu d'Ubisoft. C'est lors d'une discussion entre amis autour de ce jeu que naît son idée. Blow trouve en effet que l'usage de la dague du temps par le personnage du prince pour rembobiner une séquence de jeu est une bonne idée de gameplay, mais qu'elle n'est pas exploitée de manière intéressante. Il décide donc de créer un jeu permettant au joueur d'interagir autant qu'il le veut avec son pouvoir temporel.
Il conçoit alors un Puzzle-Game gravitant autour de cette spécificité. Trois ans de travail acharné avec l'appui d'un artiste, David Helmann, pour la partie visuelle et de musiques acquises sur Magnatune (un label indépendant) et voilà Braid, un titre qui en a renversé plus d'un. Le jeu gagne plusieurs prix lors de sa sortie et ses présentations en cours de développement, lors de conventions et autres regroupements indie games soulevaient déjà les critiques élogieuses.
Un processus créatif libre et inaltérable
La façon dont Jonathan Blow aborde le gamedesign est assez passionnante à découvrir. L'homme n'est d'ailleurs pas avare en conférences et interviews et son point de vue en tant que créatif est particulièrement inspirant. Pour Blow, le jeu se conçoit de lui-même lors du processus de développement. En démarrant d'une idée de base que l'on exploite jusque dans ses recoins, on en découvre d'autres facettes qui vont ensuite nourrir le gameplay. Des facettes dont on n'aurait jamais eu l'idée sans avoir tâtonné et expérimenté :
"Il est très clair que d'avantages d'idées ont découlé directement du processus de développement pour se retrouver dans le jeu final, que je n'en ai moi-même mis en tant que designer. Le processus de création de ce jeu ressemblait davantage à une découverte d'éléments qui existaient déjà plutôt que de créer des choses nouvelles. Dans une certaine mesure, le jeu s'est conçu tout seul". Déclaration de Jonathan Blow lors d'une conférence.
Blow a donc une vision de la création comme étant une conséquence de la liberté d'expérimentation. Pour Braid, comme pour The Witness, il part d'une mécanique simple, et lors du codage de celle-ci, de nouvelles idées vont émerger. De nouvelles règles vont également apparaître. A partir de ces règles, il va ensuite tester le jeu et peut-être découvrir des conséquences pour le personnage et l'environnement qu'il n'aurait pas forcément envisagé de prime abord. Le travail de prototype et d'expérimentation est donc vital et sert totalement le gameplay. Son seul rôle en tant que game designer est de s'assurer de la cohérence de tous ces éléments et que chaque mécanique de gameplay exploite complètement son potentiel.
On peut retrouver cette manière d'envisager la création d'un jeu dans d'autres titres parus ces dernières années. C'est le cas de Baba is You, un autre puzzle game indépendant paru l'année dernière qui donne au joueur la possibilité de modifier lui-même les règles d'un casse-tête et d'expérimenter des choses. Mais on retrouve ce même état d'esprit dans la création de triple A comme The legend of Zelda : Breath of the Wild, qui lors de la conception de son univers et de sa physique d'interaction des éléments, est passé par un prototype 2D très abouti. Ce dernier cas ne fait aucun doute sur le fait que les joueurs découvrent eux-même encore des possibilités totalement folles sur la dynamique des objets et ennemis projetés par exemple. De la même façon, le joueur est amené à pousser les mécanismes au gré de son imagination et d'expérimenter lui-même tous les tenants et aboutissants.
S'il est un cas d'école en matière de game design dont on retrouve aujourd'hui des traces dans de nombreux autres titres, Braid ainsi que d'autres titres indépendants de la même époque ont également transformé le marché vidéoludique.
L'héritage de Braid
Vous souvenez-vous du temps où il n'y avait aucun jeu indépendant sur Steam ? Cela paraît totalement surréaliste, mais pourtant cette époque a bien existé ! L'une des périodes clefs pour la représentation du jeu indépendant au grand public se situe entre 2007 et 2008. Soit la fin du développement et la sortie de Braid.
Arrivant à la fin du développement de son premier jeu, Jonathan Blow recherche des moyens de diffuser son jeu au plus grand nombre. Il se rapproche notamment de Valve, qui, ne voyant pas de potentiel commercial à ce genre de contenu, déclina la demande du créateur de Braid, d'implémenter le titre sur le store de Steam. Valve considérait alors que le marché indé était encore sous-représenté et que cela intéresserait trop peu de joueurs pour être rentable de le commercialiser.
Cependant, mi-2007, Braid était présenté parmi d'autres titres indé à différents showcases comme la Game Developers Conference. C'est à cette occasion que Microsoft, alors en recherche de titres originaux pour garnir sa plate-forme Xbox Live Arcade, a remarqué le titre de Blow et lui a proposé de faire figurer Braid parmi son catalogue.
Résultat: 55 000 exemplaires vendus dès sa première semaine de parution et le succès a perduré encore des années. On note par cette occasion, le talent de visionnaire de Valve tout à fait remarquable. Blague à part, si nous en sommes aujourd'hui à trouver des titres indépendants sur PC et consoles, c'est grâce au succès retentissant de Braid ou de World of Goo lors de cette année 2008. Par la suite, différentes plate-formes et acteurs se sont aperçus que le modèle économique de ces studios était rentable et qu'ils pouvaient générer un succès commercial qui n'a pas à rougir face à d'autres productions plus onéreuses. Aujourd'hui, loin d'être un genre à part du média, le jeu indé en fait partie intégrante et la créativité dont ces jeux font preuves sont une bouffée d'oxygène dans un secteur ou des pratiques comme le Crunch subsistent à outrance et où il est de plus en plus rare de trouver de l'originalité.
Le jeu indépendant est la base de ce qu'est le jeu vidéo : une idée, un concept simple parti de rien et qui sait séduire par son ingéniosité plus que par sa technicité.
Et pour vous, quels autres jeux indépendants ont marqué l'histoire du jeu vidéo ? N'hésitez pas à proposer vos jeux indés préférés dans les commentaires pour d'autres articles !