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Detroit: Become Human - Test de Turing réussi pour le nouveau Quantic Dream ?

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Après le chef-d'oeuvre Heavy Rain et le succès mitigé de Beyond: Two Souls, il est temps de se plonger dans Detroit: Become Human, sorti le 25 mai 2018 en exclusivité sur PS4. Né du projet "Kara", démo technique sortie en 2012, Detroit compte l'histoire de trois Androids (Markus, Kara et Connor) dans la ville de Detroit devenu le centre technologique et industriel des États-Unis.

Le jeu vidéo à tendance "expérience narrative" a plutôt la côte en ce moment. Genre souvent à mi-chemin entre film FMV et Point and click moderne, l'expérience narrative s'articule autour d'un gameplay simpliste à base de QTE et de choix multiples. Parmi les nombreux jeux de ce type sorti ces dernières années, deux auront réussi à se hisser dans mon panthéon personnel: The Walking Dead par Telltale et Heavy Rain du studio français Quantic Dream.

Studio dont la marque de fabrique est l'approche émotionnelle du milieu vidéo-ludique. L'écriture et les personnages sont donc primordiaux dans leur jeu. il n'est pas rare de voir apparaître l'un ou l'autre acteur renommé pour prêter leur trait à nos héros. Tout cela grâce à la performance capture, spécialité du studio. (Je vous conseille l'interview de David Cage, directeur du jeu, réalisée par Julien Chieze)

Une claque graphique et artistique

34529477_1691271407662784_317927090001281024_oTechniquement réussi, Detroit: Become Human se dote des meilleurs graphismes à ce jour sur PS4. Même sur une PS4 classique, le jeu tourne à merveille. Les visages de nos protagonistes sont criants de vérité, mention spéciale à Markus dont la performance capture est tellement réussie que nous avons l'impression d'avoir l'acteur devant nos yeux et non un modèle 3D par moments. Lame à double tranchant, le photo-réalisme des protagonistes principaux fait ressortir le côté plus artificiel, moins travaillé des personnages secondaires. Étrangement ce problème ressort surtout chez les humains.

La réalisation est montée d'un cran depuis Beyond. En plus de la caméra basique, vous aurez souvent la possibilité d'accéder à un cadrage différent en pressant L1 . Cadre qui est souvent magnifique et qui feront baver plus d'un amoureux du language cinématographique. En plus de cela, chaque personnage possède son ambiance propre. Connor aura une image au ton bleuté et nocturne, non sans rappeler les phases d'enquête d'Heavy Rain. Markus lui aura un ton plus ocre, plus urbain. Ambiance qui sera encore renforcée par la BO créée par trois compositeurs différents (un par protagoniste). Même si on pourra regretter une certaine répétitivité du thème de Kara, la musique participe grandement à l'immersion dans l'histoire, devenant parfois mémorable lors de certains moments de bravoure...

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Autant le dire tout de suite, si vous n'accrochez pas à la formule Quantic Dream, passez votre chemin. En effet, Detroit: Become Human ne brille pas par son gameplay. Presser une touche au bon moment vous sortira de la plupart des situations. La touche croix vous permettra de sauter sur un train en marche comme de faire la vaisselle, par exemple. Plus un défaut inhérent au genre qu'un problème lié au jeu, la présence de QTE à tout va marque un certain problème de game design dans les jeux narratifs modernes. Reste à espérer un peu d'innovation dans le domaine d'ici peu.

Une fois cela dit, Detroit: Become Human profite de certaines nouveautés plutôt bienvenues. Si les phases d'enquêtes avec Connor semblent tout droit sorties du Arkham-verse, elles restent cependant assez agréables à jouer. D'autant plus que d'échouer à trouver un indice ou mener à bien un interrogatoire (et plus largement lors d'une bonne partie du jeu) ne mènera pas à un game over mais à une branche différente de l'histoire. Même si votre âme de gamer endurci vous poussera à recharger une partie lors d'un échec, je vous conseille fortement de ne pas le faire et de laisser l'histoire continuer, lors de votre premier run du moins.34483217_1691271537662771_3059838334936285184_o

Autres nouveautés, l'ajout d'une arborescence de tous vos choix sera disponible dans le menu pause et à chaque fin de chapitre. Assez nébuleuses dans ce style de jeux, les décisions que vous prenez sont ici clairement indiquées dans l'arbre (remplir le lave vaisselle pourra avoir de graves conséquences sur la fin). Bonne idée sur le papier, on regrettera cependant le passage obligé par cet outil à chaque fin de chapitre, ce qui peut sortir de l'immersion.

Les interactions avec les autres personnages ("Kenny s'en souviendra" bien connu des joueurs Telltale) sont aussi affichées plus clairement. Une flèche bleue indiquera que votre relation avec le personnage augmente et à l'inverse une rouge qu'elle diminue apparaîtra souvent après les dialogues.

Connor compte-t-il des moutons électriques pour s'endormir?

Oeuvre d'anticipation et non de science-fiction, le monde dépeint par le jeu semble crédible et peut nous faire réfléchir quant à notre propre avenir. La recherche faîte par le studio se fait sentir dans chaque détail et la place des androïdes dans la société est sans cesse remise en question. De l'augmentation drastique du chômage au sport de haut niveau en passant par les relations amoureuses, de nombreuses voies sont explorées. Quoique (trop) souvent dans des magazines lisibles dans les décors. Si le background est aussi dense, c'est pour installer des personnages forts et bien écrits, même si quelques clichés se font ressentir par moments.

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Le jeu se découpe en trois histoires qui seront amenées à se croiser à certains passages. Nous suivrons donc Kara, androïde ménager, Markus, androïde de compagnie unique et enfin Connor, machine dernier cri de CyberLife et premier androïde inspecteur de police. Même si les trois histoires ne se valent pas, elles restent néanmoins très agréables à suivre tout au long du jeu.

Le scénario bien que solide, force souvent le trait et n'apporte, au final, que très peu de fraicheur au genre. Les premières heures enchainent les clichés mais finissent par s'en affranchir au cours du jeu et de vos choix, les personnages de prime abord caricaturaux prennent de l'épaisseur, mention spéciale à Todd.

Connor est, à mon sens, le véritable point fort de Detroit: Become Human, ainsi que le personnage le plus raccord avec le thème central du jeu. Kara et Markus sont déviants dès le début et vivent une histoire somme toute humaine. Connor, lui, est un personnage ambigu, dont les choix façonneront la personnalité au fil du jeu. D'abord via sa relation avec Hank (qui m'a fait penser à la série Mindhunters, regardez là) qui donnera des moments drôles et parfois touchants. Ensuite avec son questionnement envers sa hiérarchie, sa mission ou encore sa propre "humanité". La scène de la piscine résumera parfaitement la psyché du personnage et donnera l'un des meilleurs moments du jeu.

La conclusion du test de Detroit: Become Human

Possédant une qualité scénaristique certaine mais souffrant des mêmes défauts que ses grands frères, Detroit: Become Human reste dans la lignée "Quantic Dream". Peu d'innovation niveau gameplay ainsi qu'une certaine rigidité viendront quelque peu entacher un récit prenant et touchant bien qu'un peu cliché sur certains points.

Allergiques aux QTE passez votre chemin, les autres foncez sur la nouvelle exclusivité PS4. Après God of War le mois dernier, Sony continue d'imposer sa "ligne éditoriale" de jeu solo à une époque où les jeux services se font de plus en plus nombreux. Et ce n'est pas plus mal.

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