Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty (1/4) - Le piège du Tanker

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13 Novembre 2001, après des mois de douloureuse attente, débarquait sur Playstation 2 la suite du monument de la PSOne, Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty. Surement la suite la plus attendue de la décennie, MGS2 portait l'espoir pour de nombreux joueurs de retrouver Snake pour une nouvelle fois stopper un complot mondial et la terrible arme de destruction massive: le Metal Gear.

Force est de constater, après quelques heures de jeu manette en main, que ce MGS2 n'était absolument pas ce à quoi s'attendaient les joueurs. D'abord décrié, le jeu entrera finalement dans la légende comme l'une des œuvres les plus marquantes du média. A travers ce dossier, nous allons décortiquer point par point l’œuvre de maître Kojima. Commençons donc par l'introduction de ce Metal Gear Solid 2 qui aura su jouer avec son statut de suite pour berner les joueurs comme rarement cela a été fait.

Metal Gear Ray?

Metal-Gear-Solid-2 Solid Snake?

George Washington Bridge (nous reviendrons sur la symbolique plus tard), une ombre encapuchonnée s'avance sous la pluie battante. Le spectateur est ébloui par les nombreuses voitures qui traversent le pont. Notre silhouette jette sa cigarette (hum?) et entame sa course. Bien que le joueur adepte de MGS1 sache pertinemment qui se cache sous ce manteau, le jeu continue de jouer avec nous. Le manteau tombe, révélant un camouflage optique. Après avoir sauté du pont et effectué quelques cabrioles improbables, notre protagoniste nous est enfin révélé entouré des éclairs de sa combinaison optique: Solid Snake. Suivi de près par le titre de ce nouvel opus: "Sons of Liberty" (5 minutes et déjà deux références à la révolution américaine, encore une fois, nous y reviendrons).

Plus beau, plus grand, plus fort. C'est ce que nous promet cette introduction spectaculaire. Ce qu'on attend bien logiquement d'une suite. Viens enfin le moment de poser le cadre. Un nouveau type de Metal Gear développé par les Marines serait à bord du tanker. La mission de Snake sera de le prendre en photo pour les diffuser au public. Alors qu'Otacon nous expose le plan, un groupe de soldats russes mené par le colonel Gurlukovich prend d'assaut le bateau. Un imprévu de taille pour la mission de Snake.

La suite parfaite ?

Metal Gear Solid 2 Haut les mains, peau de lapin!

Ce Metal Gear Solid 2 commence fort et semble avoir tous les éléments de la suite qu'attendaient les fans du premier opus. Le codec y est moins intrusif que par le passé. Le niveau est non linéaire et plusieurs chemins sont possibles pour s'infiltrer. Nous tenons entre les mains Metal Gear Solid, mais en mieux. Pourtant quelque chose cloche, prémices de ce qui nous attends avec la seconde partie du jeu.

Les codes de la saga nous présageaient une infiltration épique dans la peau d'un combattant de légende affrontant des soldats génomes et autre robot nucléaire et pourtant, ce n'est pas le cas. Alors que la plupart des gens pensent que le cambriolage de Kojima commence avec l'arrivée de Raiden, c'est bien sur le Tanker que l'embrouille commence. En effet, si on y fait attention, tout dans ce chapitre se moque ouvertement de nos aventures dans les couloirs glacés de Shadow Moses.

Les enjeux d'abord, pas de prise d'otages, pas de crise nucléaire majeure cette fois. Snake est sur place parce qu'il s'ennuie, friand de la moindre occasion d'avoir de l'action quitte à tomber presque volontairement dans un piège. L'information de la présence du Metal Gear sur le bateau émanant d'une source anonyme, les chances que cela soit un piège sont tout de même grandes.

L'objectif n'est pas de détruire le Metal Gear et de sauver le monde, juste de le prendre en photo, tout simplement. Point de soldats génomes non plus, simplement quelques soldats russes et une femme enceinte en guise de boss, paie ta gloire.

Le gameplay lui aussi semble impacté. On commence notre mission déjà armé d'un pistolet tranquillisant et silencieux contrairement aux anciens épisodes où l'on commençait sans arme. Comble! Snake se permet même de prendre l'arme de poing d'Olga après l'avoir vaincue, brisant le code établi qui ne permet pas de ramasser l'arme d'un adversaire. Un premier pas vers la dissociation du joueur vis à vis de Snake qui semble pouvoir prendre ses propres décisions en dépit des règles du gameplay.

Game Over pour Snake

La conclusion de ce chapitre finira de clouer le cercueil de notre glorieux passé à Shadow Moses. Snake tombe finalement dans le piège tendu par Ocelot (pas faute de t'avoir prévenu). Ocelot possédé par l'âme de Liquid via son bras greffé (logique) se fera la malle, après avoir trahi littéralement tout le monde, avec le Metal Gear Ray. Cet acte annule purement et simplement l'accomplissement du premier opus, faisant renaître les menaces de Liquid/Ocelot et du Metal Gear. Le jeu se permettra même une dernière ironie en faisant écho à la scène post générique du premier opus où Ocelot appelait le président, révélant sa position d'agent double. Cette fois Ocelot appelle pour annoncer le succès total de sa mission.

Et Snake dans tout ça? Sa réputation de héros est détruite, il est considéré comme responsable du naufrage du Tanker et accessoirement il est présumé mort dans l'affaire. Un échec total que viendra confirmer la cinématique finale avec Otacon criant "Snake? Snaaaake!", synonyme de Game Over pour le joueur.

Le piège tendu par Kojima

Toute cette introduction a pour unique but de déconstruire le mythe du premier opus, jouant habilement avec les attentes des joueurs pour mieux les surprendre. Ocelot (et par conséquent Kojima) a tendu un double piège, l'un pour Snake, l'autre pour le joueur.

L'ultime preuve que ce Tanker n'est en réalité qu'un guet-apens pour les joueurs du premier opus se cache juste avant le début du jeu, dans les menus. Une fois le jeu lancé et la difficulté choisie, il vous faudra répondre à un questionnaire sur votre connaissance de la saga Metal Gear. Si le joueur répond qu'il n'a jamais joué à Metal Gear Solid 1, toute la phase de jeu avec Snake est alors sautée et le joueur se retrouve directement propulsé sur le Plant avec Raiden. Environ deux heures de gameplay qui peuvent être passées sans même que le joueur de l'époque ne s'en rende compte.

Metal Gear Solid 2: Liquid Ocelot De retour, pour vous jouer un très mauvais tour

Kojima s'est donc une première fois joué de nous, retournant les attentes des joueurs envers ce que "devait" être une suite à Metal Gear Solid contre eux. Il s'est donc servi de l'aura qu'avait son jeu pour aborder un premier thème, toujours vrai près de 20 ans plus tard: Les dangers de la hype à outrance et la déception/frustration que cela entraîne.

Frustration qui restera au cœur du jeu par la suite. Metal Gear Solid 2 n'est pas le seul jeu où notre héros échoue dans sa mission, prenons exemple God of War II et son introduction. Ce qui différencie MGS2 des autres, c'est que le jeu ne nous laissera jamais avoir la satisfaction de prendre notre revanche (là où God of War II fait tout l'inverse). Nous avons échoué avec Snake, il nous est alors enlevé, devenant un simple personnage non-joueur loin de notre contrôle.

Changement d'époque et de lieu et surtout changement de héros. Raiden entre dans la course et en plus d'être complètement inattendu, il sera loin de l'idée que se font les joueurs d'un "protagoniste de Metal Gear Solid".

Pour aller plus loin

Voici quelques sources de qualités qui vous aideront à mieux comprendre cette analyse:
  • Une excellente timeline résumant les événements de tout les opus de la saga Metal Gear
  • Le livre Gaming Legends consacré à MGS1, analyse pertinente de tout les aspects du jeu avec beaucoup d'humour et de nostalgie
  • L'épisode de PVR consacré à la vie d'Hideo Kojima et sa carrière avec anecdotes à la pelle, une assez bonne biographie (visible ci-dessous)