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Affaire Ubisoft - Partie 1 : un trimestre chaotique

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Le 17 juin dernier, Numerama et Libération dévoilaient une série de témoignages d'employés et ex-employés révélant des faits de comportements sexistes multiples chez la firme Ubisoft. Ainsi commença la révélation d'agissements des plus inadmissibles de plusieurs managers de l'entreprise française. Une période estivale riche en accusations, débats et débordements multiples relayés par de nombreux médias. Trois mois après le début de cette mise en lumière des conditions de travail dans les studios, revenons sur l’affaire.

Ubisoft : des cas non isolés de discrimination

Sexisme, banalité du secteur

Nous apprenions dans le dossier mené par Aurore Gayte pour Numerama qu’être une femme employée dans un studio de jeux vidéo était une épreuve quotidienne. Les diverses situations sexistes sont rencontrées quelle que soit la taille des studios et rien ne semble être fait pour les éviter.

De nombreux cadres accusés de comportements sexistes

Ubisoft ne fait pas exception et, au contraire, est maintenant mondialement connu comme étant un exemple en terme de sexisme. Pour le studio français, ce n’est pas moins de 12 cadres qui sont accusés d’agressions, harcèlements et agissements sexistes. Pourtant, l'affaire ne s'arrête pas là. Les témoignages des victimes recueillis par Libération concordent pour mettre en lumière l'inaction des cadres de l'entreprise face à la situation, partout dans le monde. Alimentant un sentiment d'impunité pour les coupables et d'injustice pour les victimes.

«Il y a des hommes de pouvoir qui se permettent tout et qui doivent être écartés de l’entreprise parce qu’ils font du mal aux femmes. Et il y a autour d’eux un système global qui cautionne ces comportements et les protège en empêchant tout recours. Un système qui rend impuissant parce que de toute façon, les jeux vidéo, c’est fun, on rigole, on peut tout faire, tout dire, car rien n’est grave.»

Humiliations sauce Nadeo

En dehors de cela, nous avons découvert avec effroi le 10 septembre dernier que malheureusement le sexisme n’est pas la seule discrimination à retenir chez Ubisoft. C’est Aurore Gayte qui, une fois de plus, relate cette fois-ci l'ambiance malsaine qui règne chez Nadeo, studio racheté par la firme. 

tm Trackmania, célèbre jeu de course de Nadeo

Quand le harcèlement moral devient banal

En effet, Nadeo ne se contente pas de proposer à ses employés une ambiance sur fond de harcèlement sexuel mais bien un harcèlement moral banalisé. Son directeur, Florent Castelnérac serait à l’origine d’un traitement des plus sordides envers chacun de ses employés. Heures supplémentaires forcées, insultes, discriminations diverses, lynchage, manipulation. Voilà le quotidien raconté par plusieurs employés et ex-employés du studio français.

Le but de Florent serait de faire de ses employés des “champions du monde”, il s'en défend sur les réseaux en justifiant “d’agir pour leur bien”. À notre connaissance, aucune mesure n’a été prise contre ces comportements : les représentants du personnel de Nadeo semblent être des proches du directeur et donc prendre son parti.

La protection des employés, oubliée

Tout comme pour Ubisoft, les ressources humaines semblent couvrir les agissements des cadres et autres éléments problématiques. Un sentiment d'impuissance se fait ressentir et vient justifier voire excuser ces comportements, au point de recevoir des remarques du type “tu pleureras les premières fois”.

Il est alors proposé aux victimes de tous types de harcèlement de se taire, de s’y faire ou au mieux de partir. Des propositions qui, en plus d’être moralement condamnables, n'ont fait qu’empirer le sentiment d’impuissance des victimes. À tel point que le service RH d’Ubisoft est assimilé à un mur, ironique pour une profession liée à l’humain.

La communication, encore un peu d’huile sur le feu 

En dehors d’une actualité chargée, le studio ne redore pas son image grâce à sa communication. En effet, à circonstance exceptionnelle, on s'attend tout naturellement à une communication des plus irréprochables. Ce n’est pas le cas pour Ubisoft qui joue la carte de la discrétion.

Les seules mesures connues à ce jour ne semblent pas à la hauteur des témoignages des victimes. Les personnes visées, à défaut d’être publiquement renvoyées, démissionnent. Yves Guillemot, CEO de l'entreprise a présenté ses excuses au public et en interne.

Ubisoft Forward – Toutes les infos utiles

Des conséquences néfastes

Avec l'événement qu’est "l’Ubisoft Forward", on se serait attendu à une communication plus affûtée. Hors la déception n’a été que plus grande, une vidéo diffusée avant la première conférence a évoqué “des mesures qui seront prises”. Lors de la deuxième édition, la réponse est toujours insuffisante : un message est relayé sur le compte twitter du CEO et ... C’est tout. Message qui fut très peu visible et qui n’ajoute rien de bien probant à ce qui a été fait en amont. 

La conséquence directe à ce genre de manque de communication flagrant est la sensation d’une volonté d’étouffement, ce qui ternit davantage l'image d'Ubisoft. Nous nous posons alors la question de la volonté du studio : la discrétion est-elle calculée ou s’agit-il d’une incapacité à gérer la situation ?

Faits marquants de l’affaire 

Durant cette actualité mouvementée, nous avons été témoins de plusieurs rebondissements que l’on va tenter de centraliser ici. À savoir que le web journal Libération a également réalisé un podcast retraçant l’actualité du studio durant le premier mois de l’enquête. 

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Récapitulatif des événements que nous connaissons

  • 17 juin : Parution du premier article à l’origine de cette affaire 
  • 25 juin : Communiqué de presse Ubisoft présentant ses excuses
  • 2 juillet : Communiqué du CEO qui annonce des “changements profonds” et créations de postes
  • 3 juillet : Démission de Maxime Béland, vice président éditorial
  • 12 juillet : Démission de Serge Hascoët, numéro 2 et directeur créatif, Yanis Mallat, directeur des studios canadiens et Cecile Cornet directrice Monde des RH. "Ubisoft Forward" et publication d’une vidéo enregistrée. Pas de communication en direct de l'événement
  • 13 juillet : Constitution du syndicat STJV Ubisoft Paris
  • 20 juillet : Stéphanie Harvey ancienne joueuse pro Counter Strike dénonce Ubisoft Montréal chez qui elle a travaillé 8 ans
  • 3 août : Tommy François, vice président service éditorial est licencié
  • 14 août : Ashraf Ismail, directeur créatif en charge des jeux Assassin’s Creed licencié et plusieurs autres grands noms du studio de Montréal sont accusés
  • 10 septembre : Témoignages contre Florent Castelnérac, directeur de Nadéo. Second "Ubisoft Forward" et annonce sur le compte Twitter officiel du CEO Yves Guillemot mais pas plus de communication au sujet de Nadeo ou du suivi de l’affaire
  • 18 septembre : Départ soudain de Michel Ancel, créateur de Rayman et directeur sur Beyond Good & Evil 2
  • 25 septembre : Accusations de comportements abusifs de la part de Michel Ancel, qui a répondu sur son compte instagram

Beyond Good & Evil 2, projet initialement piloté par Michel Ancel Beyond Good & Evil 2, projet initialement piloté par Michel Ancel

Ubisoft, crédibilité et réputation à jamais bafouées ? 

Ubisoft peine à sortir la tête de l’eau. Alors que l’affaire commençait à se calmer mi-août, elle reprend de plus belle. Quel avenir est promis au géant français qui devient un véritable exemple de ce qu'il ne faut pas faire de la décennie ?

Comme si les choses n’étaient pas assez difficile en interne, un nouveau type de harcèlement sévit. Les Community managers et autres employés des studios se font à présent insulter sur les réseaux par des fans mécontents de la nouvelle réputation du créateur du tout jeune HyperScape. Nous rappelons, qu’il est inutile de s’adresser aux personnes gestionnaires des comptes Ubisoft. Ces dernières ne sont pas les responsables des agissements et débordements des personnes citées dans les médias.