Bioshock - L'objectivisme ou la chute de Rapture
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"Mon nom est Andrew Ryan. Permettez-moi de vous poser une simple question : Ce qu'un homme obtient par le travail à la sueur de son front... Cela ne lui revient-il pas de droit ? 'Non,' répond l'homme de Washington. 'Cela appartient aux pauvres.' 'Non,' répond l'homme du Vatican. 'Cela appartient à Dieu.' 'Non,' dit à son tour l'homme de Moscou. 'Cela appartient au peuple.' Pour ma part, j'ai choisi d'ignorer ces réponses. J'ai choisi une voie différente. J'ai choisi l'impossible. J'ai choisi... Rapture. Une cité où les artistes ne craindraient pas les foudres des censeurs. Où les scientifiques ne serait pas inhibés par une éthique aussi artificielle que vaine. Où les Grands ne seraient plus humiliés par les Petits. Et, à la sueur de votre front, cette cité peut aussi devenir la vôtre." ―— Andrew Ryan
- C'est ainsi que nous est présentée la cité abyssale de Rapture, théâtre de Bioshock premier du nom en 2007. FPS de 2K games qui aura marqué sa génération par son gameplay innovateur, son histoire aux moult retournements de situation ainsi que son ambiance glauque à souhait. Bien au-delà du simple shooter, Ken Levine (auteur du jeu) apporte une véritable critique de la société américaine et de l'ultra capitalisme via son œuvre. Rapture et son fondateur Andrew Ryan cristallisent une doctrine très célèbre au Etats-Unis encore aujourd'hui: l'Objectivisme.
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L'objectivisme, la pensée du chacun pour soi
« Ma philosophie, par essence, est le concept de l'homme en tant qu'être héroïque, avec son propre bonheur comme objectif moral de sa vie, avec l'accomplissement productif comme sa plus noble activité, et la raison son seul absolu » - "La grève", Ayn Rand, 1957
Cette seule citation résume à elle seule la pensée objectiviste. Où l'égoïsme est une vertu et l'altruisme une tare. L'objectivisme a aussi un courant plus "métaphysique" qui expose que la réalité existe indépendamment de la vision de l'observateur et que c'est à travers ses sens qu'il la perçoit. Ce concept est aussi mis en avant dans Bioshock à travers notre personnage. En effet, la réalité que l'on perçoit vient de notre personnage, on perçoit donc de façon biaisée les événements qui se déroulent, tel un être manipulé par ses propres sens.
Ayn Rand philosophe passée d'Est en Ouest
Pour mieux comprendre l'Objectivisme et son influence sur Bioshock, il est intéressant de se pencher sur celle qui théorisa et rendit populaire le mouvement aux États Unis. Ayn Rand, de son vrai nom Alissa Zinovievna Rosenbaum, est née en 1905 à Saint-Pétersbourg et est décédée en 1982 à New York. En 1926 elle fuit la Russie communiste pour les Etats Unis, où elle vivra jusqu'à la fin de ses jours.
Elle y écrira de nombreux essais sur la philosophie, mais elle connaîtra le succès avec "Atlas Shrugged", "The Fountainhead" ainsi que "We the Living" qui reste encore aujourd'hui dans les meilleures ventes d’œuvres littéraires au Etats-Unis. Elle théorise le capitalisme individualiste qui prône la raison, le mérite et "l’égoïsme rationnel". S'opposant ainsi radicalement au communisme.
Le parallèle Andrew Ryan
Bien avant d'aborder la politique de Rapture, penchons nous un instant sur son dirigeant Andrew Ryan. Outre le fait que le nom du personnage soit un "presque-anagramme" (les lettres REW en plus) de Ayn Rand, Ryan partage aussi une partie de son histoire avec la philosophe. Tous deux ont fuit leur pays d'origine à cause du communisme et ont défendu l'objectivisme, l'une en écrivant, l'autre en fondant Rapture, cristallisation du mouvement.
Andrew Ryan est aussi inspiré d'un personnage d'Atlas Shrugged dont l'acte de brûler quelque chose avant de s'isoler du monde est repris. On peut aussi noter qu'Atlas, l'homme qui nous guide à travers Rapture fait référence à la même œuvre de Rand.
Rapture, la cité parfaite?
Rapture est donc une version miniature de notre société où l'objectivisme aurait été poussé à l'extrême. Une cité où les libertés individuelles sont une priorité, où chaque individu s'auto-gère. La science et l'art produisent ce qu'elles veulent une fois libérée de toutes contraintes éthiques, ce qui finit par produire des abominations.
Les habitants devenus accrocs aux fortifiants deviennent violent, n'hésitant pas à tuer pour arriver à leurs fins, ne pensant qu'à eux-même et n'ayant plus aucun respect pour la vie d'autrui. Une cité où les plus forts dominent les plus faibles, une cité qui finit par sombrer dans la guerre civile et le totalitarisme, une cité qui fini par sombrer... Tout court.
Le contre objectivisme
Le plus ironique dans le message de Bioshock, c'est qu'on s'en sort grâce à l'altruisme. Tant décrié par l'objectivisme, aider les autres nous fera progresser dans le jeu, nous permettra même d'accéder à la bonne fin. D'abord via les petites sœurs, qui, si vous les sauvez, vous récompenseront bien plus grassement que si vous succombez au plaisir immédiat en les tuant et récupérant leur "adam". Ensuite plus simplement, tout le long du jeu vous viendrez en aide à Atlas puis à d'autres personnages. Alors non, l’égoïsme n'est pas une vertu, ne penser qu'à soit ne nous mènera qu'à notre propre perte.
Pour aller plus loin
Pour les plus anglophones d'entre vous, l'excellente vidéo "Love Life And Anarchy". Ensuite, un épisode de "BiTS", mini émission d'Arte, a été consacré à l'objectivisme et son influence sur la pop culture. Enfin, Bioshock est toujours disponible sur [amazon_textlink asin='B01HTBVKCY' text='Amazon' template='ProductLink' store='jeuvide07-21' marketplace='FR' link_id='1e8a2a0a-bf20-11e8-8f40-4d820e4a3d70']. Si vous n'avez pas encore découvert cette univers si particulier, n'hésitez pas !N'hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires et à consulter nos autres dossiers !