Resident Evil Village - Chris Champrouge au pays des vampires
Resident Evil Village était l’une des attentes majeures de l’année 2021. Successeur d’un très réussi septième opus et offrant la suite des aventures d’Ethan Winters. La promotion laissait entrevoir un retour au baroque avec l’entrée en scène de loup-garou et de vampires dans l’univers de la franchise. Un opus plutôt prometteur, d’autant plus que le jeu semblait puiser dans son illustre aîné, Resident Evil 4, pour construire son game design.
Qu’on se le dise tout de suite, Resident Evil Village est un jeu plaisant, un bon jeu même. Néanmoins, une fois achevé, il m’a laissé un goût d’inachevé, d’occasion manquée tant il ne concrétise pas ses idées et pêche à bien des égards.
Test réalisé sur Playstation 5.
Ce n’est pas la fête au village
Le jeu débute quelque temps après les événements de la Louisiane, les Winters, fraîchement parents, ont déménagé en Europe de l’Est afin de mettre leur tumultueux passé derrière eux. Après une intro très réussi esthétiquement, on retrouve notre cher Ethan en parfait papa poule. Les choses tourneront très vite mal alors que Chris a apporté le dessert… et ce n’est pas des paniers de Yoplait…
Le scénario d’un Resident Evil n’est pas la chose la plus subtile au monde, personne ne sortira de ce test surpris par cette phrase. Après avoir flirté dangereusement avec l’euphémisme nous pouvons poursuivre. Resident Evil Village n’a pas un bon scénario, même pour la saga. Le village nous laisse entrevoir bon nombre de questions qui doivent trouver une réponse. Malheureusement, ces réponses sont assez souvent décevantes. Sur le papier, les personnages sont intéressants mais deviennent très rapidement des caricatures d'eux-mêmes. Chris Redfield, pourtant présent sur la jaquette, passe une grande partie du jeu à faire un concours de transparence avec une vitre. Les liens avec la saga, étant déjà l’un des défauts du précédent jeu, tournent ici à la mauvaise blague tout en nous laissant pensif quant à la future conclusion de cette nouvelle trilogie.
Trilogie manquée ?
Au cinéma, contrairement à ce que l'on peut penser, une trilogie ne se construit pas au hasard. Pour être cohérente, elle doit respecter certains codes narratifs. Il suffit de revoir la première trilogie Star Wars pour le comprendre (ou la dernière pour comprendre ce qu’il ne faut pas faire).
En jeu vidéo, les trilogies ressemblent plus souvent à une succession d'aventures indépendantes avec un fil rouge. Cela se comprend par les impératifs du médium. Si le jeu ne fonctionne pas assez, on doit pouvoir l’arrêter. À l’inverse si la série fonctionne bien, il faut pouvoir continuer quitte à jeter à la poubelle la conclusion du “dernier” épisode (oui on parle de toi Assassin’s Creed). Bien sûr il y a toujours des exceptions, la “trilogie Winters” n'en fait pas partie. Si l’épisode sept nous laisse énormément de questions en suspens (Umbrella, le nouveau virus, la chirurgie esthétique de Chris, ...) nous donnant envie de voir la suite, Village ne construit pas un futur climax mais ne fait qu’ajouter des questions, sans répondre aux précédentes, nous laissant dubitatifs sur la direction prise par le scénario. Nous terminons le jeu sans en avoir appris plus qu’à la fin du 7.
Game Design soigné mais non sans défaut
Resident Evil Village se rattrape avec son game design. En reprenant les bases posées par le septième épisode et en y ajoutant les zones plus ouvertes à la manière de Resident Evil 4, Village déploie une air de jeu vraiment agréable à parcourir. Les zones sont variées et ne donnent pas de sentiment de lassitude au joueur même si certains lieux sont traversés en coup de vent et aurait mérité une meilleure mise en lumière.
Après avoir vaincu le premier boss, le jeu semble s’ouvrir, en faisant apparaître sur la carte les suivants, chacun étant gardien d’un objet indispensable à Ethan. Ce n’est malheureusement pas le cas car le jeu ne nous laisse pas le loisir de choisir l’ordre dans lequel nous allons visiter les lieux. On notera l’affrontement avec la marionnettiste qui, bien que trop court, nous offre le moment le plus horrifique du jeu. Nous avons aussi les moments de grands n’importe quoi, si cher à la saga, poussés à leurs paroxysmes, à la frontière du kitsch et orchestrés d’une main de maître.
En poussant une lourde porte menant à une nouvelle zone, avec le nom du lieu qui s’affiche sur l’écran, on ne peut penser qu’à un certain Bloodborne. Si ce détail n’est pas assez convaincant, le design des boss le sera suffisamment. Si cette réflexion me permet d’une fois de plus citer l'œuvre de From Software et ainsi remplir un bingo mental, elle indique aussi une nouvelle vague d’inspiration pour Resident Evil. Après les films de genre des années 70 pour le septième épisode, Resident Evil Village rend hommage à d’autres œuvres vidéoludiques. Bloodborne, comme nous l’avons vu, mais aussi des références marquées à PT (Silent Hills) et... Silent Hill, notamment au niveau de l’histoire du village.
Si le gameplay à la première personne montre vite ses limites lors des scènes d’action avec une maniabilité proche du char d’assaut, il est toujours aussi efficace lors des moments plus lents, basés sur la tension. Le bestiaire, sans se réinventer constamment, évolue au fil du jeu apportant leur lot de nouveaux dangers. Côté arsenal, peu de nouveautés majeures viennent s'ajouter, mais on signe le retour de la valise améliorable qui tient lieu et place du coffre infini.
Un avis mitigé sur Resident Evil Village
Resident Evil Village est un jeu agréable à parcourir, étant notamment très beau et d'une fluidité constante. Les très bonnes bases posées par le septième opus sont toujours présentes, quasiment à l'identique, faisant de ce Village une continuation plutôt qu'une suite vraiment ambitieuse.
Le jeu essaie de recoller narrativement avec la saga en bricolant, sans grand succès. Chris Redfield, seul personnage emblématique présent dans le jeu, aurait pu être aisément enlevé de l'intrigue au profit d'un Ethan Winters intéressant mais toujours aussi peu développé. Nous sommes dans l'attente d'un neuvième épisode, peut-être plus ambitieux, peut-être plus fourni mais qui, quoi qu'il arrive, devra conclure ce nouvel arc de la saga Resident Evil.