GRIS - Un jeu qui met vos émotions en couleurs !
De nombreux titres se sont bousculés en cette fin d'année pour trouver leur place au pied de nos sapins, des triples A comme Super Smash Bros Ultimate ou Just Cause 4, mais aussi des titres indépendants, plus discrets mais tout aussi indispensables. C'est le cas de GRIS, le tout premier jeu des espagnols de Nomada Studio. Distribué par Devolver Digital, le titre est un jeu de plate-forme onirique et enchanteur, dont l'aura nous avait immédiatement séduits lors de notre essai à la PGW 2018. Enfin sorti sur Switch et PC en cette fin décembre, voyons si l'expérience émotionnelle promise est à la hauteur de nos attentes.
GRIS ou la couleur des sentiments
GRIS est né entièrement d'une initiative artistique, comme l'indique Nomada Studio. C'est en rencontrant Conrad Roset, un artiste espagnol talentueux dont la popularité mondiale ne cesse de grandir, et en confrontant leurs points de vue artistiques que les deux co-créateurs du Studio ont décidé de s'associer et de créer quelque chose d'unique tous ensemble. La pureté de cette démarche s'inscrit directement dans ce que nous voyons à l'écran. Le jeu est une oeuvre d'art dans sa conception comme dans son exécution. En témoigne son style esthétique inimitable, splendide, marqué d'une identité forte, mais pas seulement.
L'art n'est pas uniquement présent pour faire joli, il répond à des codes et il est riche des intentions de son auteur. Une oeuvre peut faire réfléchir, mais par dessus tout, elle doit vous faire "ressentir". GRIS est un jeu avec une réalisation 2D magnifique, certes, mais cette beauté n'est pas une simple enveloppe vide. Au même titre qu'une toile de maître, les éléments composant son design que ce soit les couleurs, les formes ou les motifs parsemés au fil de l'écran : chaque chose a délibérément sa signification et génère des impressions et sensations. Chaque élément mis bout à bout forme un tout dont la perception est difficile à expliquer mais si évidente lorsqu'on voit le jeu défiler sous nos yeux.
Pour les amateurs d'art, le portfolio de Conrad Roset est accessible sur son site officiel !
- Le début du jeu est en noir et blanc -
Prenons l'exemple des couleurs, dont l'usage est simple mais efficace. GRIS évolue d'abord dans un monde monochrome. Les décors en noir et blanc semblent dénués de vie et de sentiments, miroir de ce que ressent notre personnage au début de son voyage. Le désespoir est donc caractérisé par cette absence de couleurs et une musique composée sobrement de notes délicates de piano. L'héroïne de l'histoire devra voyager d'un chapitre à l'autre, afin de rendre au monde ses couleurs. Comprenez vous le rapprochement ? Un monde sans émotions est un monde sans couleur, vide et froid...et inversement. Chaque zone complétée restituera une couleur à ce décor, mais surtout, un sentiment à notre protagoniste.
Le rouge par exemple, est synonyme à la fois de danger et de colère, une émotion parfois destructrice et douloureuse mais qui fait partie de nous. Ainsi l'approche d'un boss se fait remarquer par la dominance du rouge qui s'intensifie au fil de notre ascension. Le bleu également, est synonyme de tristesse, mais aussi de pureté, de fraîcheur, que le titre utilise à bon escient. Par de simples touches, parfois imperceptibles par le joueur, GRIS parvient à faire ressentir des émotions aux moments les plus marquants. Le titre apporte ainsi une narration douce et discrète mais parfaitement maîtrisée.
- GRIS voit Rouge, la couleur de la haine, du danger, de la souffrance... -
Un jeu qui respire
GRIS respire la douceur à chaque instant, l'atmosphère est un mélange savamment distillé de zénitude et de délicatesse ponctuellement submergée par la force de l'émotion. L'ensemble est parfaitement coordonné par une musique faisant écho aux différentes vagues sentimentales que l'oeuvre nous dépeint. Les thèmes composés par le groupe Berlinist savent parfaitement nous enserrer le cœur de tristesse ou de plénitude lorsque les circonstances l'exigent. C'est à se demander si la musique n'avait pas inspiré la réalisation visuelle et vice versa, tant elles se répondent l'une à l'autre. Des harmonies grandioses qui tonnent lorsque la scène atteint son moment de gloire, des chants clairs qui adoucissent la douleur accompagnant les cordes, des notes de piano clairsemées pour calmer la tension et votre âme, en suspend au milieu de tout ça. Sans conteste l'une des plus belles OST de cette année 2018 que nous vous invitons à découvrir sur le site du groupe !
Nous nous devons d'insister particulièrement sur la direction artistique du jeu. Peut-on vraiment parler de "graphismes" au sens vidéoludique ? Nous sommes davantage devant une oeuvre d'art que dans un jeu vidéo, en réalité. Bien plus que des graphismes, c'est le portfolio d'un artiste inspiré que Nomada a rendu accessible sous forme d'un jeu que nous avons sous les yeux. Se déplacer dans ces décors est un émerveillement à chaque seconde, le plaisir de la découverte et de la contemplation ne se dissipe jamais, jusqu'à la fin. Des effets de lumières, de profondeur, ou de brume viennent sublimer le travail réalisé pour le design. Nous sommes dans un titre contemplatif jusqu'au bout des ongles, le design visuel et la réalisation sonore sont dévoués corps et âme à cette démarche, au même titre que son gameplay et son scénario.
Un gameplay qui voit la vie en rose
Si il est difficile de concevoir GRIS comme un jeu vidéo, il en porte néanmoins les codes dans sa jouabilité. Néanmoins, les développeurs ont eu la brillante idée de rendre l'interaction entre joueur et personnage sobre et intuitive. Les déplacements, les sauts et autres compétences que vous débloquerez au cours de l'aventure sont très agréables, à la fois en termes de sensations, mais aussi d'un point de vue visuel. Observer les déplacements fluides de GRIS faisant voleter sa cape au gré des sauts et du vent est très satisfaisant, alors que dire du ballet que notre protégée nous offre lors des passages aquatiques.
La jouabilité ne se contente pas d'être parfaite, elle s'adapte également à quelques idées de gameplay malines qui rendent la progression toujours plus intéressante. Il est possible par exemple de se transformer en bloc de pierre, ce qui a pour effet d'utiliser sa masse pour lutter contre le vent ou faire pencher des plate-formes, d'inverser la gravité, etc... Chaque nouveau chapitre apporte une nouvelle idée rafraîchissante. La difficulté quant à elle est exemplaire, ni trop facile ni frustrante, elle fait honneur à l'objectif du titre de proposer des instants apaisants et délicats. La seule ombre au tableau c'est sa durée de vie. Objectivement elle est suffisante, une aventure trop étirée aurait fait perdre au jeu une partie de son propos et aurait peut être apporté une redondance inutile. Le titre apporte un message complètement abouti, il n'a pas besoin d'en dire plus sur lui même. Mais l'expérience est si agréable que l'on aurait voulu que cela dure encore...
Un scénario à plusieurs teintes
L'histoire de GRIS a été volontairement réfléchie pour être libre d'interprétation. Le joueur comprendra qu'il s'agit d'une histoire sur la souffrance émotionnelle, de comprendre que celle-ci fait partie de la vie et qu'il faut l'accepter et embrasser ce qui fait de nous des êtres humains, avec toute la fragilité que cela implique. A travers cette thématique, chacun pourra y voir différents messages que ce soit le deuil, la reconstruction de soi, reprendre goût à la vie après un traumatisme, etc...
- Le scénario se dévoile de manière implicite et libre d'interprétation -
C'est le propre d'une Oeuvre artistique : elle murmurera des choses différentes à chacun d'entre nous en fonction de nos propres émotions et expériences. Le scénario est présent, mais il est malléable au gré des sensations des joueurs. Les thèmes abordés directement ou indirectement par le titre sont mis en lumière de manière très épurée, sans jamais la moindre prétention. GRIS ne veut pas donner de leçons sur la dépression ou le deuil, il veut simplement exprimer quelque chose et le partager avec son public. En cela, l'histoire est davantage une expérience intime que l'on vivra intérieurement à travers son héroïne. Le joueur ne sera pas interrompu par des dialogues ou de longues scènes explicatives, le jeu est également dénué d'interface présente à l'écran afin de nous laisser seul avec nos pensées.
GRIS : LA pépite vidéoludique Indépendante
Si notre héroïne perd sa douce voix au début du jeu, à la fin de l'histoire c'est le joueur qui ne trouve plus les mots... De simples mots ne pourraient pas de toutes façons exprimer la vague d’émotions que nous transmet GRIS en quelques instants à peine. Le jeu s'achève en laissant au joueur un vide, un manque, et il lui faut apprendre à continuer son chemin malgré ce sentiment d'arrachement. Comment continuer sa route malgré ce deuil ? C'est ce que nous apprend GRIS, à travers son interprétation de la douleur et des sentiments, mais aussi en nous laissant orphelin d'un univers que nous avons parcouru et qui a traversé lui aussi nos vies de part en part. Chacun intériorisera l'aventure de notre protégée à sa façon, le joueur étant libre d'interpréter les messages véhiculés par l'oeuvre. La marque est toujours là, et le jeu de Devolver ne disparaîtra jamais du cœur des joueurs qui se seraient donné le temps de le connaître. Le jeu est certes court, 4 heures suffisent à en voir le bout, mais il laisse un souvenir impérissable. GRIS est une pépite du jeu indépendant, un must de cette fin d'année et un indispensable de toute ludothèque construite avec goût.
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