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OtterWays – un studio indépendant français diffuseur de messages engagés

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Vous n’êtes pas sans savoir que le jeu vidéo est un média parfait pour véhiculer des messages importants. Aujourd’hui, nous vous présentons OtterWays, un studio indépendant français ayant pour objectif de développer des jeux engagés. Nous nous sommes entretenus avec Aline Bardou, fondatrice et développeuse du studio.

Tout d’abord, je te laisse te présenter

Aline Bardou : pour me présenter, je suis la gérante du studio et développeuse, ce qui est assez rare dans le jeu vidéo. Historiquement, je n’étais pas développeuse mais prof de maths pendant 7 ans et depuis 2015 j’ai décidé de devenir dev’. Je suis partie au Canada dans une société informatique spécialisée dans le libre et me suis rendue compte que le monde du libre correspond particulièrement à mes valeurs de partage, de transmission, de bien pour la société. De base, je voulais travailler dans le jeu vidéo, occasion que je n’ai pas eu au Canada alors tant qu’à faire je me suis dit qu’en rentrant fin 2016, je me lancerais. Mais je voulais aussi travailler dans le monde du libre, et les deux ensemble ça n’existe pas. C’est pourquoi j’ai créé OtterWays avec l’idée de pouvoir être sur des valeurs d’entraide, de communication et de bienveillance.

Peux-tu nous présenter OtterWays et les objectifs que vous souhaitez atteindre à travers ce studio ?

En coopération avec Kevin Remeuf, car je me sentais pas de le faire seule, nous avons fondé le studio il y a deux ans maintenant. Au fil du temps, on s’est rendu compte que ce qui nous plaisait c’était les jeux engagés car cela nous permettait de faire passer les messages qui nous tenaient à cœur en faisant les jeux à notre façon. C’est très vite devenu notre spécialisation.

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Notre principe : quand on commence un nouveau jeu, on part sur un thème que l’on veut évoquer, on réfléchit au gameplay selon le message que l’on veut diffuser. De même pour la direction artistique et ce qui va venir après. On construit tout autour de ce thème de base, jamais l’inverse, on ne va pas se dire « On fait un jeu de voiture, quelle histoire on met derrière ? ».

Dans le studio, au niveau de la structure, on essaie de faire quelque chose de très bienveillant et inclusif, d’avoir pas mal de diversité au sein de l’équipe. En plus de ça, avoir une politique en faveur du salarié, jamais plus de 35h, personne ne fait d’heures sup’. Si un employé souhaite prendre une demi-journée pour faire de l’administratif, on accepte toujours sans retenue. On considère que travailler moins que 35h s’il le faut, c’est travailler mieux, ainsi on n’a pas les tracas du quotidien qui nous entravent. Si on travaille 30h dans la semaine ce n’est pas grave. En plus de cela, on s’est inscrit afin de passer en statut « Scop » (Société coopérative). Le but : la boite appartiendra aux salariés, il n’y aurait plus de gérant majoritaire, personne n’aura plus de 50% des parts et le gérant est élu par les salariés tous les 4 ans. Ainsi il n’y aura pas de gérant despotique, qui prendra les décisions seul et en faisant n’importe quoi.

Si nos jeux marchent, c’est aussi en grande partie grâce aux personnes qui travaillent avec nous, alors il est normal pour nous qu’elles aient leur mot à dire, entrer au capital social et avoir un retour sur investissement sur un projet qui marche. Peu importe que ce soit Kevin et moi qui avions fondé le studio.

Actuellement on a une graphiste 2D/3D et deux stagiaires : une en dev’, une en graphisme. À partir du 1er août on a une nouvelle personne qui arrive au développement. On tourne entre 4/5 personnes au studio. On a des projets plus ambitieux qui nécessitent plus de personnes mais on souhaite ne jamais dépasser plus d’une dizaine de personnes. Si on veut que tout le monde ait son mot à dire, on ne veut pas plus grandir que ça.

Vous avez deux jeux qui sont tous les deux disponibles sous leur première version sur votre site Internet, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Sweet Love

C’est un jeu que j’ai fait en novembre de l’année dernière. Il est parti d’une envie de parler du harcèlement moral au sein d’un couple en se basant sur mon histoire personnelle. J’avais besoin de m’exprimer et montrer la complexité d’une relation toxique, du fait que l’on ne s’en rend pas compte au début. Je l’ai fait au départ seule, pendant 1 semaine, seulement la musique a été sous traitée par "MonPlaisir". On l’a sorti gratuitement sur Itch.io, il n’a pas un objectif commercial et les retours qu’on a eu étaient plutôt positifs. On a réussi à faire passer le message comme on le voulait, diffuser des émotions.

sweetlove SweetLove, le platformer minimaliste

Puis on a décidé, il y a quelques mois, de le reprendre afin, dans un premier temps, de corriger les défauts. Tu t’en doutes bien en une semaine, un jeu ne peut pas être parfait. Mais aussi avec l’idée de le sortir sur Steam, toujours sans objectif commercial mais surtout reverser les bénéfices pour une association. Notamment une association qui œuvre pour les droits des femmes principalement et c’est comme ça que l’on a choisi l’association Women In Games qui est aussi notre partenaire depuis la création du studio.

On l’améliore beaucoup, on double le nombre de niveaux qui passe de 10 à 20 dans la version Steam. On ajoute des cutscenes (cinématiques) afin d’avoir une histoire un peu plus complète, toujours basée sur mon histoire personnelle. L’idée c’est de rajouter « l’avant », de montrer comment une relation toxique se construit, qu’au début c’est bien tout beau, tout mignon et que c’est par la suite que ça dégénère. Pourquoi ? Car j’ai reçu beaucoup de retours sur la première version comme quoi « Mais le mec on voit que c’est une personne toxique, je ne comprends pas » mais oui, au départ la relation commence bien.

Nous vous invitons d’ailleurs à essayer par vous-même cette première version afin de mieux vous rendre compte du message exprimé à travers ce jeu.

Si vous êtes bloqués vous pouvez retrouver le walktrough juste ici (à regarder jusqu’à la fin) :

Le message étant fort, nous avons hâte au sein de l’équipe d’essayer la version améliorée qui sortira sur Steam.

Fold Stories

On a commencé le jeu en novembre 2018 mais il faut savoir qu’il n’y a eu réellement que 6 mois de travail. On cherche en ce moment un publisher, la date de sortie va surtout en dépendre même si on espère que ce soit pour fin de l’année prochaine. Idéalement on aimerait qu’il soit présent sur toutes les plateformes, au moins sur Steam et sur Switch car le gameplay se prête particulièrement à la manette. D’ailleurs il faut savoir qu’on l’a voulu à la manette mais aussi exclusivement à la souris pour des soucis d’accessibilité. Pour nous, il est important que tout le monde puisse y jouer, même les personnes avec des problèmes de coordination ou ayant une seule main par exemple. C’est important, c’est dans les valeurs de notre studio.

Ce jeu est en plein développement. Actuellement en phase de pré production qui est le prototypage gameplay. L’idée c’est vraiment de tester les mécaniques du jeu qui colleraient avec la thématique de base.

(C’est à vous, joueurs, de comprendre l'histoire au fil du jeu !)

Ici, un screen du prototype de Fold Stories sans son environnement. Ici, un screen du prototype de Fold Stories sans son environnement.

Le gameplay s’étoffera au fil du développement, les puzzles du jeu seront plus nombreux, mais resteront sensiblement égaux au prototype actuel. Pour la direction artistique, elle est en pleine réflexion et construction car dans le prototype, l’environnement n’existe pas. En effet, Celine, notre graphiste, vient seulement de nous rejoindre il y a quelques mois et le prototype, lui, existe depuis un petit temps maintenant. Mais les personnages, les animaux de papier, eux resteront les mêmes. Le but final va être de créer un monde onirique qui pousse à l’exploration.

Le prototype actuel, tout comme "Sweet Love" est également trouvable sur la page dédiée sur Itch.io, ou, si vous souhaitez en savoir un petit peu plus, nous vous invitons à aller sur la plateforme RedBricks, créée par OtterWays, qui est une plateforme de création communautaire et de financement participatif promouvant le circuit court. RedBricks permet également de renouer la parole entre joueurs et développeurs.

Ici, une première image du jeu tel qu"il sera à sa sortie Ici, une première image du jeu tel qu'il sera à sa sortie

Est-ce que tu as des projets en préparation à côté de ces deux-là ?

"Sweet Love" s’inscrit dans une série de mini jeux nommée « Nuances » qui traiteront tous de thématiques féministes et LGBT. Notamment un deuxième jeu sur la thématique de la charge mentale, sur le même principe que "Sweet love", qui lui devrait sortir d’ici quelques mois. Notre but c’est d’en sortir pas mal, évoquer beaucoup de sujets qui nous tiennent à cœur. Toujours en incluant des personnes externes au studio sur chaque projet. Sur "Sweet Love" on a travaillé avec une musicienne extérieure et le jeu à venir sur la charge mentale on travaille aussi avec un graphiste externe. L’idée c’est de donner la parole à un ou une artiste engagé dans les sphères féministes ou LGBT afin de lui octroyer, en un temps, de la visibilité et en deuxième temps, avoir un point de vue extérieur, ne pas rester entre nous. C’est très riche et important de pouvoir confronter des avis qui viennent de partout.

Pour le moment, on a 4/5 jeux avec des idées avancées et une idée des personnes avec qui on veut travailler. On a aussi un autre gros jeu en plein prototypage, toujours engagé, qui sera lui un jeu de gestion/simulation de réserve naturelle. Pour parler d’écologie et de préservation de l’habitat.

Un mot de la fin ? Des conseils à donner à nos lecteurs, aux joueurs ?

C’est important de savoir se déconstruire des schémas dans lesquels on évolue. Aussi, ça me semble banal de dire ça mais c’est essentiel de laisser la parole aux personnes concernées, peu importe la thématique.

Vous l’aurez compris. OtterWays, c’est avant tout des collaborateurs passionnés ayant l’ambition de faire passer des messages forts, inclusifs et balayant un large spectre de thématiques profondes. Le but ? Sensibiliser au maximum les consciences, mettre en situation et créer de l’empathie en laissant les concernés s’exprimer. Chacun, collègue, collaborateur ou public visé a un rôle à jouer et chacune de ces entités sont sur le même pied d’égalité.

Retrouvez Aline et son studio sur les réseaux sociaux :