Affaire Ubisoft – Partie 4 : Sexisme, patriarcat et évolution des mentalités
À travers ce dossier en 4 parties, nous avons découverts plusieurs facettes du secteur vidéoludique. Sexisme ordinaire, d’entreprise ou encore en jeu, faire partie des minorités n’est pas de tout repos. Et pourtant, 50% des joueurs sont des joueuses. Essayons de comprendre dans quels biais le secteur baigne.
Jeux vidéo, victimes ou complices du sexisme ?
Clichés persistants
Le jeu vidéo est encore aujourd’hui le théâtre d’une hypersexualisation des corps féminins. Nous avons tous en tête l’image des armures de personnages féminins qui ne recouvrent que très peu de morceaux de peau. À croire que l’enveloppe charnelle féminine est faite d’un cuir aussi solide qu’une plaque de métal. Des personnages assez peu vêtus tout simplement.
En dehors de ce cliché encore bien ancré dans nos jeux préférés, ce sont aussi les stéréotypes qui persistent. Les personnages dits « supports » ou de soin sont encore très majoritairement des femmes dans de nombreux jeux (Mercy dans Overwatch, Lifeline sur Apex Legends ou même Sage pour Valorant). Autant de clichés qui permettent une stigmatisation toujours plus ancrée dans les mœurs du secteur. Des attentes que la société a d’une « femme » : douceur, empathie, attention, toujours à vouloir aider son prochain. Par conséquent, plus à même d'être les « soigneuses ». Les stéréotypes ne s’arrêtent pas à cela, mais il serait inutile de les citer un par un.
Nouvelle tendance pas des plus positives
On observe également une mode qui se met en place. À chaque nouveau personnage féminin jouable dans un jeu à forte audience, s’en suit une polémique bien étrange. Certains groupes de personnes ne sont pas d’accord avec le fait d’incarner une femme. L’argument principal étant le manque d’identification et par conséquent un manque d’immersion pour le jeu. Des polémiques qui pourraient rester dans les affres de Twitter mais il en est tout autre. Certains studios, et c’est le cas d’Ubisoft pour le jeu Assassin’s Creed Valhalla, préfèrent alors ne pas « faire de vague » en effaçant le personnage féminin de leur stratégie de communication, privilégiant ainsi une figure masculine comme personnage principal. Des tentatives marketing qui visent à ne pas froisser les groupes d’individus mécontents afin d’augmenter leurs profits, considérant que la cible « opposée », elle, est minoritaire.
Les hommes, cible principale depuis des décennies
Pourtant, le ciblage marketing vers la gente masculine date des débuts du secteur. À une époque où le garçon se devait de vaquer à ses loisirs pendant que ces dames faisaient du shopping ou autre activité "destinée" aux femmes. La preuve est là avec la console portable sans doute la plus mythique : le Game BOY. Tout est dit par sa traduction : c’est un jeu de garçon. Un objet donc réservé à une moitié de la population.
En ce qui concerne la publicité, on a pu par le passé voir certaines « expériences » qui parlent d’elles-mêmes. Plus aucun doute sur la cible de l'exemple ci-contre qui date de 1996.
Conséquences inévitables
La principale conséquence de telles techniques publicitaires est la perpétuation de mécanismes discriminants. En outre, de tels mécanismes créent des habitudes de pensées chez un public toujours plus large et toujours plus jeune. Un public qui peut aussi être influençable. Ce qui permet également que certaines idées soient transmises et retransmises par les personnes qui les intègrent comme des « normalités ». Conduisant à terme à ce que les jeux vidéo multijoueurs deviennent l’expression de ces idées reçues faussées et donc à des situations d’harcèlement, d’insultes et autres difficultés pour les femmes dans l'univers vidéoludique.
Vers une évolution des mentalités
La première étape positive est la démonstration d’un changement. De plus en plus de jeux ont des personnages féminins qui ont des rôles plus complexes qu’à l’accoutumée et sans être sexualisés. On assiste aussi à une tendance pour les femmes en tant que personnages principaux. Ces jeux sont très souvent considérés comme des triple A. Les plus connues d’entre elles sont notamment Ellie de The Last of Us 2, Aloy de Horizon Zero Dawn ou Senua de Hellblade dont le 2ème opus sort bientôt. Des personnages qui cassent les codes de l’image de la femme douce et fragile qu'un homme doit venir sauver contre l'ennemi.
On remarque, également, des jeux où l’on peut choisir le genre de son personnage sans avoir une ou autre caractéristique stéréotypique tels que le prochainement sorti Cyberpunk 2077 ou le plus âgé The Elder Scrolls V: Skyrim. Il existe même une certaine volonté à l’inclusivité en mettant en scène des personnages transgenres, par exemple dans le jeu Tell Me Why.
Des solutions s’installent
Il existe également des solutions qui s’installent afin d’accompagner au mieux les minorités du secteur. Des syndicats émergent tels que Solidaires informatiques et le plus actif dans l’affaire Ubisoft : STJV (Syndicats des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo). Depuis cette affaire, de nombreuses antennes ont ouverts dans les différentes villes actives dans le jeu vidéo. Ils ont aussi une influence grandissante qui permet une meilleure protection et une meilleure visibilité sur les problèmes du secteur.
Les syndicats ne sont pas seuls dans la lutte contre les discriminations. Des associations promouvant la place des minorités existent. La plus connue et implantée à l’internationale est l’association Women In Games qui œuvre sur de nombreux plans. Les activités de Women In Games sont centrées sur la promotion de l’inclusivité dans les jeux vidéo, la revalorisation des femmes influentes du secteur et de leurs expériences.
Du changement dans l'air
Le secteur du jeu vidéo est un secteur qui souffre encore grandement de son image masculine. Elle emprunte les chemins de pensées propres au patriarcat et à ses mécanismes sexistes. Etant un média de masse (qui touche un large public), le jeu vidéo permet la diffusion de ces messages. Heureusement, le monde évolue et les mentalités également. Des efforts sont faits et l’on constate des changements dans la manière d’appréhender la création. Il reste encore du travail à faire mais nous pouvons rester optimistes !
Le mot de la fin
À travers ce dossier, nous avons arpenté des problématiques qui en dehors d'être propres au secteur du jeu vidéo, sont propres à notre société. Le type de scandale qu'a vécu Ubisoft récemment fait miroir à ce qu'il y a de plus mauvais dans les mœurs de notre époque. Aujourd'hui, les minorités souffrent encore de leurs stigmas. Des solutions se mettent en place, commencent à exister, mais les moyens manquent. C'est un véritable changement qui doit s'opérer et cela dans sa globalité. Un changement de mentalité qui ne peut s'opérer que par l'éducation. Ubisoft a souffert du plein pouvoir donné à un groupement de personnes et tente de renverser les choses en revoyant son équipe dirigeante. Ce qu'on peut espérer : un impact dans l'entreprise française mais aussi une prise de conscience dans le secteur dans son ensemble et dans la société entière.