The Sinking City - Une adaptation maladroite mais agréable du mythe
Quelques mois après la sortie de Call of Cthulhu par Cyanide via Focus Home Interactive, c’était au tour de Frogwares, édité par Bigben Interactive, avec The Sinking City le 27 juin 2019. Si le jeu de Cyanide était une adaptation du jeu de rôle de Chaosium, Frogwares se base lui sur l’univers littéraire de Howard Phillips Lovecraft, de ceux qui l’ont inspirés et ceux qu’il a inspirés. Ces deux jeux basés sur un même lore, restent tout de même différents dans leur approche. Nous avons réalisé un article suite à notre découverte du jeu, passons maintenant au test après l'avoir fini.
The Sinking City ou une histoire “classique” du mythe de Cthulhu
Quand on pense aux œuvres du mythe, on pense généralement à un investigateur, professionnel ou non, qui se trouve plongé malgré lui dans un univers qu’il ne comprend pas. Que ce soit par l’influence d’une autre personne ou de ses propres rêves, le protagoniste découvre des choses inconnues de l’espèce humaine au prix de sa santé mentale. C’est ce que vous aurez dans The Sinking City.
Marqué par le cauchemar récurrent d’une ville engloutie et d’une créature maritime titanesque, le détective privé Charles W. Reed (vous), arrive par bateau dans la ville d’Oakmont. Dès son arrivée, il se rend compte que cette ville est habitée de personnes étranges. L’un des chefs des grandes familles possède un visage primate, selon lui une bénédiction familiale. Alors que d’autres habitants sont des réfugiés de la ville d’Innsmouth, des personnes bénies par la mer aux visages rappelant des poissons. Mais ceux-ci ne sont pas les seuls résidents, des femmes et hommes aux traits tout à fait “normaux” sont présents et représentent la majorité des habitants. Là où l’horreur commence, c’est lorsque Charles rencontre pour la première fois des créatures informes ayant pour seule envie que de se repaître de son cadavre.
C’est à la fois guidé par ses rêves et par son instinct de détective, que Charles va résoudre des enquêtes pour les habitants de cette ville maudite, dans les seuls buts de comprendre la raison de la venue de ces créatures que les habitants appellent “malbêtes”, mais aussi de comprendre pourquoi il semble avoir été attiré vers cette ville inondée.
Deux types de gameplays inégaux
The Sinking City se compose de deux “phases de jeu”, la partie enquête et la partie combat. Quand la première est plutôt rodée grâce à l’expérience de Frogwares sur les jeux Sherlock Holmes, la seconde est bien moins convaincante et même lassante.
Les phases d’enquête
Les développeurs du jeu ont décidé de revenir à un mode d’enquête où le joueur n’est pas assisté en permanence par des marqueurs sur sa carte, ces derniers existent mais c'est à vous de les placer. Quand vous devez vous rendre sur un lieux, le mieux que vous avez comme indication est le croisement où il se trouve. Mais il arrive parfois que l’on vous demande de retrouver quelqu’un avec pour seule indication qu’il a fait un passage par l’hôpital. Il vous faudra alors vous y rendre pour fouiller dans les archives et trouver son lieux de résidence. Bien sûr vous l’aurez compris, vous allez devoir traverser de long en large cette ville, que ce soit à pied ou en bateau dans les rues inondées, le jeu propose donc un système de voyage rapide grâce aux cabines téléphoniques de la ville.
Une fois sur les lieux, saufs quelques rares cas, une phase de combat se lance. Celle-ci terminée, il vous est possible de parcourir la maison, l’usine, ou autre, à la recherche d’indices sur ce qu’il y a bien pu s’y passer. Vous allez fouiller des notes, trouver des traces de sangs, des objets, parfois des cadavres et autres indices qui vous permettront, après avoir passé un portail qui apparaît automatiquement, de reconstituer les événements dans l’ordre chronologique. Cela fait, vous serez vers un nouveau lieux.
Cependant, les enquêtes principales instaurent un autre niveau dans les enquêtes, les déductions, ceux qui ont joués aux jeux Sherlock Holmes les connaissent bien. Accessibles directement dans le menu de jeu, certains indices importants seront associables afin de déduire les raisons de ce qu’il s’est passé, mais également la façon dont vous pouvez réagir face à cela. Par exemple, lors de la toute première enquête servant de tutoriel, vous aurez la possibilité de choisir si vous estimez une personne ayant tué un homme comme coupable d’un meurtre, et donc le dénoncer, ou ayant tué par légitime défense, et donc tenter de lui éviter un sort funeste. Ces déductions “finales” n’auront pas d’influence sur les fins du jeu, mais pourront avoir un impact tout de même sur la ville elle même et ses habitants.
Les phases de combat
Là où le bât blesse, c’est quand le jeu passe en mode “action”. Comme dit dans les phases d’enquête, presque chaque entrée dans un lieu provoque une arrivée de malbêtes, dans quelques rares cas d’humains, et ces phases ne sont pas les plus agréables à jouer. La visée est difficile à la manette, les ennemis sont attirés par Charles, certaines créatures demandent de nombreuses munitions. Ces phases de combats sont laborieuses et semblent presque présentes parce que “les joueurs veulent de l’action”. Ce qui est bien dommage. On aurait préféré des phases d’infiltration et de fuite plutôt que d’altercations, ce qui aurait plus correspondu à l’esprit des œuvres du Mythe de Cthulhu. Il est conseillé de diminuer la difficulté de ces phases dans les options et de prendre des compétences pour vous faciliter ces moments pour les rendre moins fastidieux.
Le jeu propose une belle petite panoplie d’armes, quand vous ne frappez pas avec une pelle (seule arme de corps à corps disponible tout le temps), vous pourrez utiliser ultimement deux pistolets, un fusil à pompe, un fusil au coup par coup et un fusil mitrailleur. Ce qui vous permet de changer d’arme rapidement dans le cas où vous manqueriez de munition. Vous disposez également de grenades explosives, incendiaires et de pièges qui peuvent s’avérer utiles pour bien entamer des malbêtes monstrueusement grandes.
Et, comme dit dans le premier paragraphe de cette partie, le jeu embarque un petit côté RPG avec un système de compétences passives simples qui vous faciliteront les combats, nous y avons consacrés un article pour mieux vous l'expliquer.
La santé mentale, une notion importante bien que trop peu utilisée
Une part importante des œuvres Lovecraftiennes est la folie provoquée par des horreurs indicibles. Frogwares a mis en place cette notion de santé mentale mais elle ne possède qu’un aspect mineur et temporaire.
Voir une malbête, un cadavre, un lieu d’incantation ou autre chose sortant de la vie “normale” fera baisser la santé mentale de Charles. Passé un certain stade, la psyché de notre héros lui fera apparaître des créatures éthérées à l’image des malbêtes qui tenteront également de le tuer. Mais ces créatures sont faibles et ne nécessitent qu’un coup ou une balle pour disparaître.
Cependant, de simples piqûres d’antipsychotiques vous feront reprendre vos esprits, il n’y a donc pas d’effets sur le long terme.
Une belle direction artistique mais une architecture monotone
The Sinking City est beau. Dans toute sa direction artistique, on ressent la désolation de cette ville ayant subi une inondation. L’eau est omniprésente, certaines maisons s’enfoncent dans le sol ou les eaux, il n’y a pas de doutes, cette ville est désolée. Les expressions faciales des personnages montrent également très bien l’état de désespoir et d’abandon dans lequel sont les habitants d’Oakmont. Même si parfois, dans de rares cas, bien insuffisantes par rapport à la situation et au doublage. Mais, l’architecture des bâtiments est malheureusement du registre du copier-coller. Il semble que les développeurs ont créé quelques bâtiments types et n’ont fait que boucher certaines salles, certains accès, et modifié le mobilier. Ce qui donne trop souvent l’impression de visiter toujours les mêmes bâtisses.
Côté sonore nous sommes encore sur un jeu misant sur l’ambiance plutôt que sur une bande son. Cela sert très bien le jeu et instaure une atmosphère sombre et horrifique, mais ne permet pas de dégager des thèmes musicaux notables. Point qui a son importance, le jeu est disponible entièrement en français et le doublage est plutôt de bonne qualité.
Un avis plutôt positif sur ce jeu, mais...
Tout comme le Call of Cthulhu de Cyanyde, The Sinking City de Frogwares est un jeu principalement à destination des personnes ayant connaissance du mythe de Cthulhu. Même si ces deux jeux sont différents dans leur approche, ils possèdent les mêmes points positifs et négatifs. Malgré les défauts notés, The Sinking City n’est donc pas un mauvais jeu. L’ambiance est bonne, mais certaines parts du gameplay sont répétitives et donc lassantes, mais l’on continue d’y jouer pour l’histoire qui est très intéressante et digne du mythe.
À voir ces deux adaptations, on ne peut qu’espérer un mélange des deux laissant de côté la part “action” du jeu, au profit d'un gameplay plus narratif pour coller un peu plus aux écrits de Lovecraft tout en gardant l’aspect RPG ouvrant les possibilités de déplacement et d'interactions.
Si vous souhaitez voir le jeu en action, voici le live réalisé pour la sortie du jeu et qui en montre les premières heures.